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BLACK NIGHTS 2021 Compétition

Critique : Nr. 10

par 

- Le réalisateur hollandais Alex van Warmerdam revient avec un film particulièrement dérangeant et totalement inclassable

Critique : Nr. 10

Une des règles tacites du cinéma narratif commercial est qu’il faut qu'il soit plausible, mais une autre règle, apparemment en contradiction avec celle-ci, préconise de toujours surprendre le public. Le réalisateur hollandais Alex van Warmerdam joue avec ces deux élans dans le très séduisant Nr. 10, qui a fait sa première en compétition officielle cette année au Festival Black Nights de Tallinn, produisant un effet confondant et excitant à parts égales.

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Le film commence comme un drame d'assez petite échelle, qui se concentre sur les dynamiques interpersonnelles entre les membres d’une troupe de théâtre pendant qu’ils répètent leur prochain spectacle. Günter (Tom Dewispelaere) vit seul, et un élément de sa routine est que des collègues passent le prendre tous les jours en voiture pour aller au théâtre. Ce qui frappe immédiatement, c’est la gravité de tous les personnages, et le manque de chaleur humaine entre eux : ils évoluent dans une atmosphère stérile qui déborde d’amertume de bas étage, ce qui se reflète dans le choix même de la pièce qu'ils répètent. La substance de ce récit théâtral réside dans les scènes d'agressivité quotidienne et de petits désaccords et conflits qu'ils répètent tous les jours, et les compositions fixes soigneusement arrangées par le directeur de la photographie Tom Erisman, ainsi que le montage net et incisif de Job ter Burg, contribuent à construire un austère et froid tout d'arêtes tranchantes et d’interactions robotiques.

Le film, qui adopte la structure d’un drame choral, suit tour à tour Günter, son collègue d’âge moyen Marius (Pierre Bokma), qui est le metteur en scène de la pièce, de la pièce, Karl (Hans Kesting) et sa femme Isabel (Anniek Pheifer), qui fait aussi partie de la troupe. Ainsi, on apprend que la femme de Marius est très malade, ce qui l'oblige à rester éveillé la nuit, ce qui rend difficile pour lui d’apprendre son texte, et que Günter et Isabel ont une liaison. Tous ces éléments tendraient à indiquer un drame assez classique sur les relations humaines, si ce n’était le style visuel du film, d’une précision chirurgicale, et l’approche très flegmatique qu'ont les personnages de toute chose. À cette atmosphère qui ne présage rien de bon vient ajouter la présence inexpliquée d’un homme qui espionne Günter de sa voiture, l’étrange comportement de la fille de ce dernier, Lizzy (Frieda Barnhard), le fait complètement arbitraire qu'elle n'a, semble-t-il, qu’un seul poumon, et une autre information : Günter est un orphelin qui a été trouvé dans une forêt, seul.

Les choses biburquent plus nettement dans le sens du bizarre quand un étranger sur un pont arrête Günter sur son chemin pour lui chuchoter un mot étrange à l’oreille. L’événement semble déclencher quelque chose en lui et après une violente altercation avec Marius, le comédien quitte la ville. À partir de là, le film lui-même abandonne complètement le théâtre, ses acteurs et son metteur en scène : on ne les reverra jamais plus. L’impression est de se retrouver complètement dans le noir : les signes qui nous avait permis de supposer des choses sur le genre de film auquel on avait affaire, et donc sur ce qui pourrait se passer dedans, s'évanouissent d'un coup et c'est là que Nr. 10 devient excitant un court moment, avant de retourner sur un terrain plus prévisible. Günter suit les indices laissés par l’homme étrange qui l'espionnait (parce qu'on lui a dit qu’ils vont l’aider à en savoir plus sur sa mère). L’endroit où il se retrouve et la révélation sur ses origines sont complètement inattendus, mais le film n’exploite pas bien l'élément sensationnel de cette nouvelle, laissant le spectateur libre de décider s'il y croit ou pas. À dire vrai, les réactions très calmes de Günter et Lizzy et le style invariablement simple et direct du film gâchent, comme délibérément, les attentes créées par le récit. Cela dit, sur un plan moins conceptuel, ces éléments pourraient aussi faire écho à un monde où les personnages sont si conscients du peu qu'ils savent sur les choses que rien ne les surprend plus.

Nr. 10 a été produit par la société hollandaise Graniet Film et la belge Czar Film & TV Brussels. La distribution du film aux Pays-Bas est assurée par Cinéart Netherlands B.V, ses ventes internationales par Nine Film.

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(Traduit de l'anglais)

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