Critique : Somewhere Over the Chemtrails
par Mariana Hristova
- BERLINALE 2022 : Adam Koloman Rybanský livre une comédie atmosphérique sur la peur, les préjudices et l’entêtement, le tout dans une campagne tchèque ensommeillée
L'Europe centrale et l’Europe de l'Est ont été largement montrées du doigt ces dernières années pour l'ascension des tendances nationalistes et du conservatisme politique qu'on y a constaté. Dans cette lignée thématique, à l'instar de films encensés de cette région du monde, comme The Citizen [+lire aussi :
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fiche film], le premier long-métrage d’Adam Koloman Rybanský, Somewhere Over the Chemtrails [+lire aussi :
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fiche film], qui a fait sa première dans la section Panorama du Festival de Berlin, continue d’explorer ce problème et ses conséquences. Heureusement, le réalisateur a choisi le genre de la comédie pour présenter sa lecture du sujet, s’appuyant sur la tradition de la Nouvelle Vague tchèque. Ainsi, plus qu’un film politique, on se voit ici proposer une satire des attitudes existantes où l’environnement et les habitudes collectives s'avèrent la vraie cerise sur le gâteau, alors que les protagonistes et leurs actes sont plutôt des produits de l'époque dans laquelle ils vivent et du climat qui les environne.
À fin de surmonter l’ennui provincial dans leur petite ville, où le sommet du bonheur est la consommation constante, tous les jours et tous les soirs, de grandes pintes de bière, les pompiers volontaires Standa et Bronya mènent leurs petites batailles personnelles contre des menaces extérieures, comme les soi-disant effets toxiques des traînées blanches des avions (les chemtrails du titre), par exemple. La situation semble devenir vraiment grave quand, en pleines célébrations de Pâques en plein air, sur la place du village, un van vient heurter la fontaine et que le conducteur s’enfuit, laissant derrière lui des soupçons d’attaque terroriste. Bronya, qui depuis la mort de sa femme souffre de dépression, alimente encore davantage la peur ambiante en se lançant dans une mission personnelle de préservation de ce qu’il reste du bon vieux monde tel qu'il le conçoit. Le lendemain, les festivités sont interrompues, la terreur se répand et même quand il est prouvé que la cause de l’accident n’était pas une menace extérieure mais juste l'alcoolisme ordinaire, Bronya ne laisse pas la vérité éclater au grand jour, pour que les gens restent en état d’alerte. Ceci entraîne une dispute avec Standa, car ce dernier, bien qu’il soit enclin à partager les convictions de son ami et vaporise en secret du vinaigre sur le ventre de sa femme enceinte pour éviter toute contamination par les chemtrails, reste relativement sain d'esprit.
Rybanský, qui a également écrit le scénario du film, se moque clairement de l'avancée des théories du complot, tout en sympathisant avec ceux dont les esprits ont été éclipsés par l’hystérie des médias. Le ton du film devient un peu plus sérieux s'agissant de la xénophobie et de la peur des réfugiés, très répandue dans la population locale. Cependant, le film ne fouille pas vraiment les raisons profondes de ces problèmes ; il se contente de mentionner les recherches sur Internet comme source ultime de désinformation. Par moments, les personnages manquent un peu d'intérêt, et les messages que le film formule sont plus rentre dedans qu'il n'était nécessaire, mais il y a un certain charme d’ensemble dans l'atemporalité où vivent ces gens, et dans l'ode réconfortante à l'amitié que constitue le dénouement.
Si près, et cependant si loin du brio de l’humour absurde à la tchèque, Somewhere Over the Chemtrails reste un bon film, plaisant à regarder, grâce à ses acteurs, très bien choisis – l'acteur aguerri Miroslav Krobot dans le rôle de Bronya le bougon et l'expressif Michal Isteník dans celui de l'hésitant Standa – et grâce au travail fluide du chef opérateur Matej Pinos (Circus Rwanda [+lire aussi :
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fiche film]), qui parvient à saisir la beauté banale d'un territoire et d'un paysage urbain provincial apparemment sans trait distinctif marquant.
Somewhere Over the Chemtrails a été produit par Bratři en coproduction avec la FAMU, la Télévision tchèque- Česká televize, FreeSaM et MagicLab, En République tchèque et en Slovaquie, le film est distribué par Bontonfilm. Ses ventes internationales sont assurées par Pluto Film.
(Traduit de l'anglais)