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SXSW 2022

Critique : The Locust

par 

- Le deuxième long de l'Iranienne Faezeh Azizkhani, introspectif et cinéphilique, brosse le portrait d’une femme qui n’a plus un sou, assaillie par des crises personnelles et artistiques

Critique : The Locust

Être cinéaste, a déclaré un jour Krzysztof Zanussi lors d’une master class, c’est être sans emploi la plupart du temps, et par conséquent probablement obsédé par des détails pratiques fâcheux tels que les menaces d’expulsion pour cause de loyers impayés. C’est d’ailleurs le cas de l’héroïne de la coproduction germano-iranienne de Faezeh Azizkhani, The Locust, [+lire aussi :
interview : Faeze Azizkhani
fiche film
]
présenté en avant-première dans la section Global Presented by MUBI de SXSW (du 11 au 20 mars).

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Le monde matériel promet à Hanieh un avenir de sans-abris et de misère. C’est Hanieh Tavassoli, dont le visage rappelle l'expression tragique de Maria Callas, qui interprète avec fougue cette écrivaine et cinéaste iranienne de 41 ans. Pourtant, celle-ci insiste malgré tout pour vivre au royaume de la créativité, et ce quel qu’en soit le prix. Elle décide donc de vendre son vieux scénario, un écrit très personnel, à son amie Pegah (interprétée par Pegah Ahangaran, une actrice chevronnée, mais aussi réalisatrice du court métrage d'archives I Am Trying to Remember, présenté en avant-première au dernier IDFA), avec pour objectif, et pas des moindres, d’être sélectionnée à Cannes. Chez Pegah, on se plonge dans une répétition sans fin du texte au cours de laquelle les participants interchangent les rôles et expérimentent des choses entre eux. Au fur et à mesure que le groupe discute et analyse le personnage principal du scénario, qui est manifestement l'alter ego de l'auteur, Hanieh se met à douter, elle est contrariée, car elle se sent passée au crible et remise en question. La tension culmine lors d'une visite inopinée de ses frères et de sa mère. Cette femme despotique s’avère sa principale source d'insécurité, alors qu'elle continue à discuter intérieurement avec son père décédé. Il est un interlocuteur intéressant, son soutien et sa source d'inspiration.

Filmé par Alireza Barazandeh principalement en gros plans dans des espaces intérieurs encombrés et exigus, The Locust est un film bavard, confus et percutant, parfois difficile à suivre. Les seules séquences en extérieur sont les vues en plongée de deux femmes entrant dans une maison et d’une conversation imaginaire entre Hanieh et son excentrique père en chemise hawaïenne dans une forêt également imaginaire, tout le reste reste enfermé dans leur bulle créative comme si le monde extérieur n'existait pas. Pendant ce temps, Faezeh Azizkhani n’a de cesse de déclarer son amour pour le cinéma avec des références visuelles et verbales à de nombreux réalisateurs, des hommes pour la plupart, des figures paternelles comme son père, qui vont de Fellini à Tarantino, de Kurosawa à son véritable professeur Kiarostami. Le quatrième mur entre cette comédie dramatique et le public est fermement installé avec des scènes dans lesquelles Hanieh s’adresse directement à la caméra et montre clairement que le documentaire est également très complexe, afin que le spectateur soit constamment sous pression pour distinguer la fiction de la réalité. Quant au titre, qui fait référence à la peste des sauterelles, il semble être une métaphore de ce monde extérieur inquiétant qui attaque constamment Hanieh, comme le ferait un essaim d'insectes nuisibles.

Dans le film, les femmes peuvent paraître aussi bruyantes et presque hystériques que leur féminisme est discret, mais solide. Après tout, The Locust est un film sur la rivalité de deux artistes féminines, alors que les hommes, dans leurs conflits et leur environnement, sont relégués aux rôles secondaires. D’ailleurs, il semblerait que le monstre effrayant soit ici la mère. En dépit d’un portrait désavantageux, elle demeure indiscutablement une figure féminine forte. À cet égard, ni le sexe ni le hijab n’empêchent les héroïnes d’être séduisantes ou effrayantes et de s’exprimer pleinement, et ce malgré le conservatisme de l’environnement qui les guette à l’extérieur. The Locust fait rayonner la liberté artistique des femmes sans recourir au militantisme ou à la victimisation, ce qui est particulièrement libérateur.

The Locust est une production iranienne de Bamdad Film et de Documentary and Experimental Film Center (DEFC), en coproduction avec la société allemande KapFilme. La distribution est assurée par la société iranienne IRIMAGE.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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