THESSALONIQUE DOCUMENTAIRES 2022
Critique : Off the Rails
par Marta Bałaga
- Dans son premier long-métrage, profondément touchant, Peter Day évoque les années où l'on vit dangereusement
Ça fait bizarre de décrire un récit qui contient une mort tragique, des cœurs brisés et heurts fréquents avec les forces de l'ordre comme "divertissant", mais Off the Rails du Néo-Zélandais Peter Day correspond exactement à cette description. On ne saurait dit si c’est intentionnel, mais il y a quelque chose du classique Trainspotting de Danny Boyle (1996) dans ce film mélancolique, qui a fait sa première mondiale au Festival du documentaire de Thessalonique, même s'il ne s'agit plus de regarder les trains mais de "surfer" dessus.
Apparemment, cette activité (et beaucoup d’autres, toutes dangereuses) a du potentiel, du moins dans le monde des aspirants-youtubeurs, comme Rikke Brewer et Aiden Knox. Ils font aussi ça par passion, bien sûr, mais très vite, certains de ces garçons, un collectif britannique nommé Brewman, se mettent à envisager les choses en des termes plus stratégiques : en mentions j'aime, en partages et en nombre d'abonnés. Leurs méthodes sont peut-être nouvelles, mais c’est une histoire vieille comme le monde : si on gagne de l’argent avec quelque chose qu’on adore, est-ce que ça signifie qu’on a vendu son âme ou qu'on est juste malin par rapport à son futur ? Et surtout, jusqu’où est-on disposé à aller ? Quand les jeunes font du parkour dans leur quartier, des chevilles sont foulées et des jeunes corps blessés, mais ça fait partie du jeu. Jusqu’à ce que ça ne soit plus le cas et qu'on se trouve soudain confronté au genre de douleur qui, hélas, ne peut guérir seule. Comme on l'a dit plus haut : c'est une histoire vieille comme le monde.
Compte tenu des choses vraiment dingues que font ces personnages, pas étonnant que le documentaire de Day, qui est une prolongation de son projet télévisuel Parkour Changed Our Lives, est vraiment captivant – même si les gens qui ont le vertige ou craignent les méthodes de déplacement favorites de Spiderman le trouveront sans doute inconfortable à regarder par moments. Surtout que le réalisateur leur parle, aussi, et trouve une incroyable sensibilité dans des affirmations du style : "le café latte, c'est une tuerie".
Il y a tellement de chagrin à déballer ici. Quelqu'un essaie de se convaincre que "ce n’est pas une vie triste, ce n’est pas une vie triste" ou se bat avec un parent qui, pensant lui donner une leçon, rend grosso modo son enfant sans-abri et seul au monde. Au bout d'un moment, quand on entend "Il y a, genre, des larmes dans cette merde" parce qu'un des garçons doit quitter sa chambre d’enfance, avec tous ses souvenirs dessinés sur les murs, ça n'est pas drôle du tout. On se rapporte à sa situation.
On se rapporte aussi aux personnages du film pour la simple raison que bien qu'ils soient des performera formidables, parfois il est impossible que "le show" continue, surtout après qu'un salto au-dessus de l'espace entre deux wagons ait mal tourné. Leurs fans en ligne sont impressionnés et laissent des commentaires comme "Mec, t'es littéralement un grand malade", mais est-ce que c’est bien, d'influencer les gens et de les amener à faire des choses dangereuses ? Peut-être qu'il vaudrait mieux les "inspirer" (ce que ça veut dire exactement restant à voir) ? Ce qui est intéressant, c'est qu’il y a une différence d'âge significative entre Day et ses sujets, quoiqu’on ne le sente pas du tout ici (il sait déjà que ces jeunes n'ont pas besoin d'un adulte qui les sermonne, donc il les laisse penser tous seuls. Et écrire seuls aussi : quand quelqu’un mentionne la philosophie "vivre vite, mourir jeune", même là, il y a une coquille. Vivre, c'est se tromper, mais au moins on ne peut nier qu'ils essaient.
Off the Rails est une production britannique de Faction Films, Faction North et Perfectmotion. Les ventes internationales du film sont gérées par Journeyman Pictures.
(Traduit de l'anglais)