email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CPH:DOX 2022

Critique : Le Goût de la baleine

par 

- Le journaliste et réalisateur français Vincent Kelner sert un plat succulent, parfait niveau cuisson, qui ne saurait manquer de devenir un des grands films environnementaux de l’année

Critique : Le Goût de la baleine

Des images sinistres de Féringiens debouts dans une mer de sang tandis qu'ils tailladent des baleines-pilotes à l'occasion de la chasse traditionnelle connue comme le "Grind" est une vision particulièrement douloureuse pour les activistes des droits des animaux comme pour le commun des mortels. On pourrait même avancer que c'est l'argument visuel le plus puissant qui soit pour la cause du végétarisme, mais c'est aussi une tradition que les habitants des îles Féroé défendent avec passion. Le deuxième documentaire du journaliste et réalisateur français Vincent Kelner, Le Goût de la baleine [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Vincent Kelner
fiche film
]
, qui a fait sa première mondiale dans le cadre de la compétition F:ACT du festival CPH:DOX, offre sur le sujet un plat consistant, qui fait réfléchir et s'avère remarquablement équilibré.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Kelner veille soigneusement à présenter les deux côtés de l’argument avant de vraiment montrer le "Grind", au bout d’une heure de film – quoiqu'il le laisse présager dans la conception du générique de début : la première image du film est un gros plan sur un de ses principaux personnages, l’enseignant Jens, avec des gouttes de sang sur ses lunettes. On le voit ensuite découper de la viande de baleine devant sa maison. "Je me sens beaucoup plus proche de la nature ainsi que si j’achète du poulet au supermarché", dit-il, plaçant d'emblée le débat dans la dichotomie entre l’élevage industriel des animaux et la chasse.

Lamya, à la tête de l'association Sea Shepherd, dont les membres étaient les héros du documentaire National Geographic géographique Sea of Shadows [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
(2019), sur la connexion entre la surpêche et le crime organisé, dit quant à elle que l'un comme l'autre sont juste deux manières différentes de massacrer des animaux. Les bateaux Sea Shepherd sont arrivés pour passer l’été au large des îles Féroé et essayer d'empêcher le Grind, et l'association a même fait venir Pamela Anderson pour une conférence de presse enflammée.

Kelner construit patiemment son histoire à travers des interviews avec des gens de Féroé, notamment le pêcheur Tórik, particulièrement vocal, ainsi que des activistes, mais c’est l’environnementaliste local Rúni qui fournit les arguments les plus raisonnables. Il établit clairement le fait que la question est, fondamentalement, un problème émotionnel présenté comme un problème éthique. Pour les gens de Féroé, une communauté très soudée connue pour sa résistance aux influences étrangères, c’est une tradition qu’ils défendent d’autant plus farouchement qu'elle est de plus en plus attaquée, même si, comme Jens, ils admettent qu'elle est brutale. Pour la plupart des autres gens, la vue du massacre des baleines est assez insoutenable, mais pour l’enseignant, ce n’est pas différent de l'acte de tuer un cochon. Tórik qualifie même la chose d'"empathie pathologique pour les baleines", ce qui évoque le documentaire oscarisé The Cove (2010), où toute la nation japonaise était diabolisée pour sa pratique de la chasse à la baleine. Et comme les Féringiens d'aujourd’hui ne manquent pas de ressources pour s'alimenter, Lamya considère à juste titre ce massacre comme non nécessaire.

Toutes ces opinions discordantes sont positionnées de la manière la plus sobre possible par le dynamique montage d’Olivier Marzin, où sont régulièrement insérés des plans grand angle épiques sur les îles, d'une beauté brute indéniable. Ajouté à sa fine compréhension des coutumes locales, ceci semble gentiment pousser le point de vue de Kelner du côté de la position des Féringiens, mais à chaque fois que le spectateur croit détecter une préférence d'opinion pour une des parties, le réalisateur fait pencher la balance de l’autre côté.

Dans la dernière demi-heure, il appert que la solution au problème pourrait être trouvée dans des données scientifiques et médicales. À ce stade, Kelner a déjà servi un plat parfaitement cuit et bien juteux où chacun des ingrédients, des goûts et des textures peuvent être détectés individuellement, de sorte que c'est au consommateur de décider qu'en faire. Cependant, la célèbre phrase de Paul McCartney qui ouvre le documentaire ("Si les murs des abattoirs étaient de verre, tout le monde serait végétarien") rend le propos central du film on ne peut plus clair, et transcende toute la controverse sur le Grind.

Le Goût de la baleine a été produit par la société française Warboys. Les ventes internationales du film ont été confiées à Films Boutique.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy