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VISIONS DU RÉEL 2022 Compétition Burning Lights

Critique : Kapr Code

par 

- Cet opéra documentaire de Lucie Králová sur le compositeur tchèque Jan Kapr est un travail accompli, à plusieurs strates, qui vacille cependant parfois sous le poids de ses ambitions

Critique : Kapr Code

Le nouveau film de la scénariste et réalisatrice tchèque Lucie Králová, Kapr Code [+lire aussi :
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fiche film
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, qui vient de faire sa première mondiale dans la section Burning Lights de Visions du Réel, est son œuvre la plus ambitieuse à ce jour. Il s’agit d’une œuvre à plusieurs niveaux de lecture qui va certainement intéresser les festivals dédiés au documentaire expérimental et aux sujets liés à l’histoire sociale ou à la musique, ainsi que le public local. Cependant, c'est un film souvent très exigeant.

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Ce titre, présenté comme un “opéra documentaire”, a pour sujet la vie du compositeur tchèqueJan Kapr, une figure autrefois célèbre, objet de polémiques. À partir d'un riche fonds de documents d’archives (lettres, articles de journaux, photos, rapports de la police secrète et vidéos amateurs filmées en Super 8 par Kapr lui-même), le film se déploie en huit actes, plus un entracte et un épilogue. Le livret a été écrit par l’énergique Jiří Adámek, qui a une place importante dans le long-métrage, de même que le chef de chœur Petr Fiala et 17 membres du Chœur philharmonique tchèque de Brno.

L’histoire de la vie de Kapr est racontée de manière chronologique et le chœur chante littéralement dans le style du “nouvel opéra”, sur des musiques composées par Petra Šuško. Les séquences où le choeur répète et se produit en public, en plus de les compléter, créent un effet de contraste avec les vidéos amateurs, monochromes et souvent floues, du fait de la fréquence d’images caractéristique de ce support : filmés en plans fixes, tous vêtus de noirs, les membres du chœur répètent dans un studio d'un blanc éclatant. Ils sont souvent debout, assis, voire couchés et agencés de manière à former reproduire des motifs géométriques réflétant les compositions modernistes de Kapr à la fin de sa vie, fondées sur une méthode “cryptographique” et des éléments électroacoustiques.

Cet aspect résolument formaliste est un des traits du film qui soulignent son approche émotionnellement détachée de l’histoire de la vie du compositeur. Une grande partie du livret fonctionne par association et repose sur des onomatopées – comme la répétition de “ryby a raků”, soit “poissons et homards” (sachant que Kapr signifie carpe en tchèque), accompagnée par l'image du compositeur nageant dans un lac.

Kapr, né en 1914 (sous le signe du poisson), était un athlète enthousiaste, mais une blessure a engourdi ses jambes, de sorte qu'on le voit surtout assis ou marchant avec une canne. Il était encore plus passionné par le communisme, ce qui lui a valu le Prix Staline en 1951, après qu'il ait composé des morceaux aussi vertigineux que la cantate “Dans les contrées soviétiques”, qui a fait de lui le grand compositeur national. Le récit de sa vie personnelle se déploie parallèlement à cela : on fait connaissance avec sa première femme, ses deux enfants, ses amis (notamment le musicien de swing R. A. Dvorský, qu’il a réussi à faire sortir de prison, et le chanteur d’opéra dissident Pavel Ludikar, ce qui a probablement mis la police secrète sur sa piste. Après avoir protesté contre l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, dans une lettre ouverte à Chostakovitch, il a été mis sur liste noire et sa musique a été bannie.

Bien avant ça, Kapr a eu une deuxième femme, Lubiška, et une fille appelée Magdalena, qui est la seule personne brièvement interviewée dans le film. Elle n’avait jamais entendu parler de son demi-frère Miloš, qui a fini dans un établissement psychiatrique. Il est dit implicitement que c'est Kapr qui l'y a laissé, et les vidéos amateurs, accompagnées de notes précisant à combien de minutes a droit chaque personne, sont presque la seule représentation qu'offrele film de son monde intérieur: Lubiška a 112 minutes, Magdalena 152 et Miloš seulement 6.

À l’inverse, l’histoire socio-politique du compositeur est convaincante et détaillée. Le résultat final est un travail accompli qui vacille sous le poids de ses ambitions. Faute d’investissement émotionnel, il peut être éprouvant d'assister à 90 minutes de musique d’avant-garde.

Kapr Code a été coproduit par les sociétés tchèques DOCUfilm Praha et Mindset Pictures avec la slovaque VIRUSfilm, avec la participation de la Télévision tchèque et de l'enseigne pragoise MagicLab. Les ventes internationales du film sont gérées par Lightdox.

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(Traduit de l'anglais par Marine Régnier)

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