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VISIONS DU RÉEL 2022 Compétition

Critique : Dogwatch

par 

- À travers ce récit hybride sur des mercenaires engagés pour protéger des navires, le Grec Gregoris Rentis explore la masculinité au-delà des motifs de la toxicité et de l’aggression

Critique : Dogwatch

Dans son premier long-métrage, Dogwatch, qui vient de faire sa première mondiale en compétition internationale au festival Visions du Réel, le réalisateur grec Gregoris Rentisfait mouche à tous les niveaux. À cheval entre fiction et documentaire, il explore la masculinité au-delà des questions simplifiées de la toxicité et de l’agression.

Si l’histoire est traitée de manière documentaire, l’approche audiovisuelle se rattache clairement au champ de la fiction. La chose est évidente dès la première image en grand angle, un tableau vivant filmé en plan fixe où apparaissent trois hommes en uniforme sur le pont d’un bateau. Il fait l’effet d’une comédie. Le commandant crie : "Ennemi à 9h !", et les deux soldats se tournent et pointent leurs fusils dans des directions opposées.

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S'il est possible que Rentis se moque des militaires vus comme des tas de muscles décérébrés, dans une certaine mesure au moins, au fil du film, on se rend compte qu’il les traite avec une compréhension et un respect authentiques. L’histoire est racontée via trois personnages, des mercenaires employés par des sociétés de fret maritime pour protéger leurs navires des pirates. Jusqu’à il y a dix ans, les pirates somaliens étaient le fléau des mers, et il y avait de l'action pour ces militaires privés (c'est d'ailleurs pour cette raison même que l'un d'eux s'est lancé dans ce ce métier), mais comme ces cargos étroitement surveillés n'ont jamais été pris par les pirates (contrairement aux embarcations non protégées), les mercenaires ont maintenant un nouvel ennemi : l’ennui.

Dogwatch commence sur l'image d'un petit nouveau, Yorgos, en train de s'entraîner sur une plage avec d’autres recrues. Filmés d'assez près, on les voit se battre entre eux en silence, de sorte qu’on n'entend que leurs grognements et halètements, et de légers bruits de corps qui s'entrechoquent. L'attention portée, dans ce segment d’ouverture, aux muscles, aux veines qui se gonflent, à la sueur et aux tatouages souligne la vacuité de l’idée du mâle alpha, mais en voyant Yorgos dire au revoir à sa petite amie puis faire la fête en attendant son déploiement au Sri Lanka, on comprend clairement que Rentis veut qu’on le considère comme l'être humain qu'il est : un homme jeune avec un visage poupin, encore ébloui par le vaste monde.

Costas, de son côté, est un soldat expérimenté au sommet de sa carrière. En s'intéressant à lui, le film se concentre sur le sentiment de solitude à travers ses communications avec sa petite amie et ses amis, et en montrant des plans de lui en train de regarder au loin du pont du bateau. Ce segment comprend un montage très intelligent d’un exercice sur la Sérénade de Schubert, extraite du recueil Le Chant du cygne, complété par l'image d’une cartouche qui rebondit sur le pont au ralenti, comme un renvoi ironique aux films de guerre américains.

Enfin, il y a Victor, un vétéran qui voudrait se poser et demande un emploi de bureau. Son monologue face à son supérieur, où il explique ses raisons et motivations, est la partie la plus proche du documentaire du film. Il élève son fils (une scène tendre et superbement éclairée les montre ensemble dans leur jardin) et entraîne une nouvelle recrue (et là, complètement à l'inverse, il se montre impitoyable dans son rôle de formateur).

Les outils appartenant au cinéma de fiction (gros plans, champs-contrechamps, balayages et zooms sophistiqués), méticuleusement employés par le chef opérateur Thomas Tsiftelis, laissent entendre qu'il y a eu une collaboration étroite entre le réalisateur et ses sujets. Le design sonore intense conçu par Leandros Dounis nous attire avec aise dans le monde intérieur des personnages et la musique composée par le Britannique Forest Swords met en valeur leurs environnements respectifs, surtout en combinaison avec les ralentis. Au lieu d’opter pour une approche froide et observationnelle, Rentis livre une œuvre clairement cinématographique qui, pour être stylisée, n’en est pas moins "réelle" ou "vraie".

Dogwatch a été coproduit par BYRD, asterisk*, Topcut Modiano et Arctos SA en Grèce, avec Good Fortune Films en France. Les ventes internationales du film sont assurées par Syndicado (Canada).

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(Traduit de l'anglais)

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