Critique : Histoires d'entrejambes
par Marta Bałaga
- Myleine Guiard-Schmid se penche dans ce court-métrage sur L’Origine du monde de Gustave Courbet

Quoique la moitié de la population mondiale en fasse régulièrement l’expérience, l’acte d'accoucher continue de générer plus de questions que de réponses. Certains prétendant qu'on en sait déjà trop sur la question et qu’il y a trop d’options disponibles pour les futures mamans désorientées ; d'autres condamnent "le silence des femmes" et considèrent l'accouchement comme une terrible épreuve qui les a traumatisées. Certaines ne se souviennent que de la douleur ; d’autres disent qu'elles l'ont oubliée instantanément dès qu'elles ont posé les yeux sur leur enfant.
Dans le court-métrage Histoires d'entrejambes, au programme à Hot Docs, Myleine Guiard-Schmid continue de réfléchir à la question. On y parle de la "méthode Lamaze", initialement "vendue" comme permettant une naissance sans douleur, alors que ce n'est pas le cas ("Après mon accouchement, j'ai dit : 'plus jamais, je ne dirai plus jamais que ça ne fait pas mal'", dit une des femmes interrogées), ainsi que de l'idée qu'un orgasme peut aider l'accouchement. Une chose est sûre : à quelques exceptions près, ce n'est pas demain que la plupart des femmes auront la possibilité d’être libres pendant l’accouchement, ou celle d'écouter les réponses instinctives de leur corps. C’est peut-être lié au système strict qui est en place, ou à la misogynie – car les hommes continuent de prendre des décisions sur des choses qu'ils ne vivront jamais. On entend là l'écho de cette célèbre phrase de Gloria Steinem : "Si les hommes pouvaient tomber enceints, l’avortement serait un sacrement". Si les hommes pouvaient tomber enceints, peut-être que ça ne ferait plus si mal.
"Accoucher et raconter une histoire sont deux choses similaires. Il s'agit d'amener un nouveau récit dans le monde. C’est imprévisible", dit Guiard-Schmid, qui combine différentes méthodes d’animation et conserve, malgré la gravité des sujets discutés, une approche facétieuse. Certaines séquences font l'effet de sortir tout droit d’une comédie muette de Buster Keaton. Il y a même un train.
Ses personnages reconnaissent qu’elles ont parfois regardé d’autres femmes enceintes en se demandant comment l'expérience serait pour elles, en se demandant si le souvenir de l’accouchement (particulièrement s'il est traumatisant) est quelque chose qu’un enfant peut ressentir, plus tard. "Vous accoucherez dans la douleur", dit la Bible, et pour une raison mystérieuse, les gens n'ont jamais trop remis en question cette phrase. Mais Guiard-Schmid n’est pas les gens, et sa question est simple : pourquoi ? Pourquoi pas ne pas accoucher dans le plaisir ?
C’est peut-être parce que les femmes ont une relation compliquée avec le plaisir en général : à chaque fois qu'il est question de sexualité, elles devraient avoir honte ou se font malmener ou sont laissées dans l'ignorance par rapport à ce que leur corps peut faire et recevoir ou pas. Mais elles souhaitent indéniablement un avenir meilleur pour leurs filles. Et plus de choix : "les droits humains des femmes sont flétris et violés s'agissant de l’accouchement", a dit l'organisation HRiC (Human Rights in Childbirth), et il est difficile de ne pas être d’accord avec ça, mais les femmes font tout pour que leurs voix soient désormais entendues, car elles en ont clairement assez du code de conduite qui préconise de "souffrir en silence". Il est peut-être un peu tôt, mais c’est comme ça qu’on instigue un changement significatif : en en parlant, fort, et parfois, je suis désolée, en n'ayant pas peur d'être salope. Si avoir du plaisir pour une femme signifie être une "salope", "j'espère qu'on trouvera toutes notre salope intérieure", ajoute Guiard-Schmid. Ce serait un bel ajout au sermon de la messe du dimanche.
Le court-métrage Histoires d'entrejambes a été produit par Lucie Fichot pour Folle Allure Films et par Absinte Abramovici, en coproduction avec Ellen Meiresonne pour Atelier Graphoui. Les ventes internationales du film sont gérées par Manifest.
(Traduit de l'anglais)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.