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CANNES 2022

Netflix à la table des négociations françaises

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- CANNES 2022 : Le débat organisé par le CNC a mis en avant la volonté des professionnels de continuer les négociations pour s'adapter aux changements croissants de l'économie du cinéma

Netflix à la table des négociations françaises
(g-d) Pascal Rogard (Dg de la Sacd), Salima Yenbou (députée européenne), Damien Bernet (directeur affaires juridiques de Netflix), Rosalie Varda (Ciné Tamaris/MK2), Jean François Mary (conseiller à l'Arcom), Florence Gastaud (responsable production à Wild Bunch), Karine Blouet (secrétaire générale du groupe M6) et Christophe Tardieu (secrétaire général de France Télévisions)

Chaque année le CNC accueille au Festival de Cannes un grand débat où les chaînes et professionnels du cinéma se font face. Les responsables des plateformes étaient jusqu'ici absents de cette rencontre, mais cette année, ce samedi 21 mai, un représentant de Netflix participait à la table ronde. Car en février dernier plusieurs accords ont été signés sur le financement de la création française indépendante, assortis d'une nouvelle chronologie des médias. Alors pourquoi débattre si tout va pour le mieux ? Parce que ce nouveau cadre a été conçu pour évoluer, et que le temps règlementaire semble se dérouler beaucoup plus lentement que les changements économiques qui affectent l'audiovisuel français : fusion à venir entre TF1 et M6, sortie de France Télévisions de la plateforme Salto, fin de la redevance, concurrence accrue des plateformes américaines sur le territoire français.

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La négociation n'est donc pas terminée : en tant que seul streamer à avoir signé un accord avec les professionnels et la nouvelle chronologie des médias, Netflix France a maintenant des exigences. Son investissement de 200 millions d'euros dans la production indépendante française, dont 40 millions pour le cinéma, sa participation au budget du CNC via une taxe, ne se font pas sans contreparties. Damien Bernet directeur des affaires juridiques de Netflix France en a résumé quelques unes : "Nous avons d'abord besoin pour nos producteurs d'un accès au fonds de soutien automatique audiovisuel, il avait été promis pour ce printemps. En ce qui concerne les séries, le plafonnement du crédit d'impôt audiovisuel français le rend bien moins intéressant financièrement pour nos séries à gros budgets que d'autres dispositifs européens." De plus, en matière d'obligations de financement, Netflix contribue davantage qu'Amazon à la production française : le chiffre d'affaires d'Amazon Prime Video, base de calcul de ses obligations, reste très obscur. Enfin, en ce qui concerne plus spécifiquement le cinéma, un film coproduit par Netflix est diffusé 15 mois après sa sortie en salles, fenêtre que la plateforme souhaite avancer à 12 mois (rappelons que Canal+ est à 6 mois). "La France est le seul pays au monde où Netflix doit attendre aussi longtemps avant de diffuser le film sur son antenne, et cette attente encourage le piratage."

Pour Florence Gastaud, productrice à Wild Bunch : "On parle d'obligations, mais ce n'est pas le bon terme : pour les plateformes, le cinéma est un vecteur pour élargir leur parc d'abonnés. Je crois à la complémentarité des écrans : aujourd'hui la salle de cinéma en souffre mais c'est transitoire." Et de citer l'exemple de The Power of the Dog [+lire aussi :
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fiche film
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de Jane Campion qui a fait de meilleures audiences sur Netflix dans les pays où il est sorti en salles, qu'en France où il n'est pas sorti au cinéma. "Ma grande inquiétude c'est plutôt l'éditorialisation du cinéma, a-t-elle souligné, une question que doivent se poser les plateformes, les chaînes, et les salles."

Cette éditorialisation des films de cinéma récents a été mise en place à France Télévisions, représentée par son secrétaire général Christophe Tardieu : "L'offre non linéaire du service public s'est accrue pour les films de cinéma, nous avons mis en place avec l'équipe de Manuel Alduy de la communication, du visionnage en replay, des collections. Sans compter notre partenariat avec le Festival de Cannes à l'antenne."

Rosalie Varda, DG de CinéTamaris et consultante à MK2, a rappelé que la vente à Netflix de nombreux films du catalogue MK2 (de Claude Sautet, François Truffaut…), avait été mal perçue par certains professionnels. "Pourtant la diffusion par Netflix a permis de mettre en avant ces films de catalogue. Ciné Tamaris, qui possède les films de Jacques Demy et Agnès Varda, a besoin de vendre pour continuer à faire son travail de diffusion et d'accompagnement dans le monde entier."

Quant à la chronologie des médias, les représentants du panel s'accordent sur le besoin de nouvelles négociations : "Le principe initial de la chronologie en France, était que "plus on investit dans une oeuvre, plus on peut la diffuser rapidement". Aujourd'hui les chaînes historiques investissent beaucoup et diffusent très tard", a souligné Christophe Tardieu, épaulé par Karine Blouet secrétaire générale du groupe M6 : "Nous diffusons un film français coproduit 22 mois après sa sortie en salles, l'étanchéité de notre fenêtre est menacée et la rentabilité de nos investissements dans le cinéma français se dégrade."

Florence Gastaud a vécu de près les premières négociations, il y a dix ans, quand elle était déléguée générale de l'ARP (Société des Auteurs Réalisateurs Producteurs) : "Elles ont eu lieu à une époque où la rareté des films créait leur valeur. Aujourd'hui, nous vivons l'ère de l'immédiateté : organiser la rareté pour un film grand public c'est organiser son piratage ; pour un film d'auteur, c'est organiser son oubli. On a pensé la chronologie des médias pour préserver nos diffuseurs et financeurs, on en a oublié le plus important : que le film soit vu."

Comme le résume Pascal Rogard, qui animait le débat : "Tout serait parfait si le cinéma ne dépendait que de la règlementation. Mais il dépend aussi du public, qui n'a pas retrouvé le chemin des salles."

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