Critique : Breaking the Ice
par David Katz
- Dans son premier long-métrage, Clara Stern montre combien il est dur de grandir dans le circuit du patinage professionnel à Vienne
Quand quelque chose se produit deux fois, on peut considérer qu'un schéma se dessine : dans le film Close [+lire aussi :
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fiche film] de Lukas Dhont, qui a reçu le Grand prix à Cannes le mois dernier, comme dans le film dont on va parler ici, le motif du hockey sur glace est intégré au récit d'apprentissage queer comme un élément suggestif, même si les deux réalisateurs ont la sagesse d'éviter de généraliser en précisant quel est exactement le rapport entre les deux. Cela dit, il tient à l'évidence à l’extériorisation de la colère et de l’agressivité, à l’esprit d’équipe et peut-être à la grâce de danseur de ballet nécessaire pour exceller dans ce sport.
Dans un mouvement intéressant qui répond à la popularité grandissante du football féminin, Clara Stern a choisi de situer son premier long-métrage, Breaking the Ice [+lire aussi :
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fiche film] (qui a fait sa première à Tribeca dans la section Viewpoints), principalement dans l’univers de la compétition de hockey sur glace féminin. Le personnage principal, Mira (Alina Schaller), dirige avec entrain les Dragons, qui bien qu'elles soient en première division dans leur pays, ne sont pas assez populaires pour ne vivre que de leur sport. Comme le fait observer sèchement une de ses coéquipières : "Les chats sur Instagram ont plus d’abonnés que nous". Dans un film qui reprend certains clichés dépassés un peu trop tendrement, l'enjeu du scénario de Stern est autant dans les progrès des Dragons que dans la vie domestique alternativement tumultueuse et morne de Mira, ce qui pourrait rappeler les feuilletons mélo niais typiques de la télévision hertzienne, comme la série américaine Friday Night Lights. Cependant, en développant les thèmes transgenres de son court-métrage encensé Mathias, Stern parvient à générer une tension qui s'avère productive : quand elle suit Mira dans quelques scènes récréatives de vie nocturne, au milieu du film, où ça joue à peu à tester les rôles de genre, pour voir, avant de les balancer par la fenêtre.
Mira, qui travaille pendant son temps libre dans l'exploitation viticole familiale (un détail qui surprend mais reste convaincant malgré le contexte de l'hiver autrichien), est prise entre deux relations clés, qui seront fondamentales dans le processus de maturation que Stern dépeint patiemment. On a d'abord Theresa (Judith Altenberger), une talentueuse attaquante venue d’une équipe de Salzbourg qui a le potentiel d'être repérée pour jouer en ligue américaine (un autre détail intéressant : la coach des Dragons, qui est américaine, fait ses discours de vestiaire en anglais, et les joueuses répondent en allemand). Une attirance s’installe timidement entre elles. L'autre relation en jeu, plus pertinente encore, est celle qu'elle a avec son frère Paul (le très talentueux Tobias Resch), qu'elle ne voit plus depuis longtemps et qui entre et sort du récit comme une figure fantastique : il la sort notamment en ville tout en jouant la comédie avec son alter ego espiègle, Rudiger — un comportement fascinant d'incongruité par rapport à son travail itinérant dans le transport maritime et, comme le révélera une sorte de gag visuel, dans la police locale.
Une séquence cruciale au milieu du film montre Mira en train de se regarder dans le miroir de sa chambre, torse nu, contractant le buste pour rentrer ses seins. Après un nouveau cut, ce passage est suivi par un autre où Mira apparaît dans une tenue masculine, coiffée d’un chapeau melon à la Chaplin et arborant une barbe fournie. C'est dans la mise en contraste de ces séquences avec le drame sportif plus classique – composé dans un style presque dénué de toute intention artistique qui renvoie à une fiction TV pour jeunes adultes (et non à quelque chose de plus subtil) – que réside l'habile effet de double personnalité que Stern parvient à rendre dans ce film, qui inaugure probablement le début d’une carrière prometteuse.
Breaking the Ice a été produit par NGF - Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion GmbH (Autriche). Les ventes internationales du film sont assurées par Films Boutique.
(Traduit de l'anglais par Marine Régnier)
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