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KARLOVY VARY 2022 Proxima

Critique : Another Spring

par 

- Le documentaire de Mladen Kovačević évoque l’épidémie de variole survenue en Yougoslavie en 1972 en adoptant une approche qui combine récit procédural des événements et atmosphère de film d’horreur

Critique : Another Spring

Le nouveau film du réalisateur serbe Mladen Kovačević, Another Spring [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Mladen Kovačević
fiche film
]
, qui vient de faire sa première mondiale dans le cadre de la compétition Proxima du Festival de Karlovy Vary, traite de la toute dernière épidémie de variole survenue en Europe, plus précisément en Yougoslavie en 1972. Ce documentaire, entièrement composé d’images d’archives, adopte une approche qui combine récit procédural des événements avec une atmosphère de film d’horreur, et amène le spectateur à explorer les différences (sociales et politiques) et les similarités entre cette époque, antérieure d'un demi-siècle à la nôtre, et aujourd’hui.

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Le narrateur, Dr. Zoran Radovanović, qui est la grande autorité serbe sur la question et qui était au centre des événements en 1972, raconte l’histoire de l'épidémie au présent, de manière chronologique, avec des dates précises jalonnant la chaîne des causes et des effets. Le patient zéro semble être un Kosovar qui était allé faire son pèlerinage à la Mecque et Medina et avait emprunté un bus de pélerins qui avait fait des arrêts non programmés à Bagdad, notamment à son fameux bazar. Ce n’est qu’après le début de l'épidémie en Yougoslavie que l’Irak a reconnu qu'une épidémie sévissait chez eux.

L'homme rentre au Kosovo et contamine l'instituteur de la ville d'à-côté, qui passe à son tour la maladie à 38 personnes. Au moment où le virus arrive à Belgrade et où l’épidémie est officiellement annoncée (ce qui a abouti à une ruée sans précédent sur les vaccins), certains patients kosovars étaient déjà en train de mourir de morts affreuses, ce variant de la variole étant le plus destructeur.

Variola vera (le nom de ce variant) est aussi le titre d’un des plus grands films yougoslaves qui ait jamais été faits, réalisé par Goran Marković en 1982. Il s'agissait d'un film-catastrophe avec un angle socialiste. La manière dont Kovačević, la monteuse Jelena Maksimović et le designer sonore et compositeur Jakov Munižaba traitent le matériel d’archives est de son côté plus viscérale, et constitue presque une approche primitive de l’horreur. Les images (sauf les extraits d'interviews télévisées de médecins, d'infirmières et de patients de l’époque) défilent au ralenti pour arriver à une vitesse autour de 50 %, et sont accompagnées de musiques menaçantes, bourdonnantes et crissantes jouées assez bas en termes de volume, mais fortes par leur intensité. Les images, principalement en noir et blanc, et les photographies sont souvent zoomées, pour souligner l'élément effroyablement physique de la maladie.

Inévitablement, le spectateur est amené à comparer la réaction du gouvernement et de la population à ce qui s'est passé avec le Covid-19. Ce qui transpire, c’est que même si les autorités serbes ont d’abord été lentes à reconnaître la maladie pour ce qu’elle était (en partie parce qu’elle avait été éradiquée en Yougoslavie en 1932, ce qui signifie que personne ne s’y attendait), la réaction a été rapide et extrêmement bien organisée : 18 millions de gens (presque tout le pays) ont pu être vaccinés ou re-vaccinés.

Bien sûr, vu sous cet angle, le contraste avec 2020 est cruel, et les images d’archives ralenties semblent souligner cette distance temporelle. Cependant, le film indique des similarités, comme le manque initial de compréhension du phénomène parmi les experts médicaux et une certaine ignorance de la part de plusieurs pans de la société, pour des raisons de religion ou de traditions (la famille d’un patient a par exemple refusé une autopsie qui aurait pu confirmer que c’était la variole assez tôt pour empêcher de nombreux décès).

La manière dont Kovačević termine le film montre clairement quel est son point de vue et établit clairement pour quelle raison les gens avaient beaucoup plus confiance en les autorités et la médecine il y a 50 ans qu'aujourd’hui. Ce qui était, en tout état de cause, un État communiste non-démocratique a bien mieux fonctionné, et de manière beaucoup plus humaine, que les soi-disant gouvernements démocratiques d’aujourd’hui, avec leur dépendance au "libre marché".

Another Spring a été coproduit par Horopter Film (Serbie) et Bocalupo Films (France). Les ventes internationales du film sont assurées par Taskovski Films.

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(Traduit de l'anglais)

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