VENISE 2022 Giornate degli Autori
Critique : Padre Pio
par Vittoria Scarpa
- VENISE 2022 : Abel Ferrara met en scène les affres intérieurs du moine avant qu’il ne devienne une icône du catholicisme et, parallèlement, les affres d’un peuple à qui on nie ses droits
Il s’appelle Padre Pio [+lire aussi :
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fiche film], mais le "saint de Pietrelcina" ne représente qu’une seule des deux facettes du nouveau film d’Abel Ferrara, en compétition aux 19e Giornate degli Autori de la Mostra de Venise. S'approchant de la figure de celui qui allait ensuite devenir une icône du catholicisme et serait vénéré en Italie comme un second Christ, le réalisateur américain, installé depuis de nombreuses années à Rome, combine le récit des premiers jours du moine au convent de San Giovanni Rotondo, dans les Pouilles, avec celui de la révolte populaire historique de ce même village contre les propriétaires terriens oppresseurs. On a donc d’un côté les tourments solitaires du futur saint aux stigmates, son combat personnel contre le diable, et de l’autre, une communauté de paysans qui se battent parce que leurs droits leur sont niés.
La Première Guerre mondiale est finie depuis peu : les soldats rentrent chez eux, accueillis par leurs familles en larmes, mais il y a aussi ceux qui n’ont pas survécu, et à leur place, juste une lettre qui annonce leur mort sur le champ de bataille. Dans le même temps, le Père Pio (Shia LaBeouf), de nom séculier Francesco Forgione, entre au couvent pour chercher Dieu, mais c’est le diable qui lui rend visite en premier, et lui met le nez dans le fait qu'il s'est soustrait à ses obligations militaires, le traitant de lâche. Ainsi démarrent deux histoires parallèles : à l’aube des premières élections libres, à San Giovanni Rotondo, on commence à parler de socialisme, d’abolition de la propriété privée, de changements à obtenir avec l'aval du peuple ; dans le silence de son couvent, Pio prie, s’interroge, désespère, et son parcours vers la foi est plein d’obstacles et de visions terrifiantes, presque de film d'horreur.
Le mouvement des deux lignes narrative est inversé : alors que la condition des pauvres gens de San Giovanni Rotondo glisse inexorablement dans le gouffre (paysans traités comme des esclaves, morts prématurées faute d’assistance sanitaire, socialistes sauvagement battus, avec la complicité de l’Église elle-même), jusqu’au célèbre épilogue qui scella la mort de 13 personnes, le 14 octobre 1920. Pio s'élève de plus en plus vers le Seigneur, jusqu’à le trouver, enfin, mais au prix d’atroces souffrances. Shia LaBeouf, qui après une vie d'excès, a annoncé s'être converti lui-même à la religion catholique grâce à ce rôle, interprète le Saint avec conviction et de manière viscérale – parmi les scènes les plus fortes, on peut citer celle où il refuse le pardon à un parent (une étonnante Asia Argento dans des vêtements d'homme) coupable d’avoir des pensées scabreuses à l'égard de sa toute jeune fillette et de ne montrer aucun remord authentique.
La vaste place accordée au drame historico-social pourrait décevoir ceux qui se seraient attendus, de Ferrara, à ce qu'il ait fait un film plus concentré sur Père Pio et ses miracles. À l'inverse, on quitte le moine dès l'apparition des premiers stigmates. La communion, dans la souffrance, entre homme de Dieu et peuple est la clef que le cinéaste a manifestement choisi pour son récit, et ce motif central fait l'objet de nombreux moments d'un grande intensité dramatique. La troupe nourrie du film comprend aussi, entre autres, Marco Leonardi, Luca Lionello, Vincenzo Crea, Brando Pacitto et Roberta Mattei.
Padre Pio a été produit par la société allemande Maze Pictures en coproduction avec Interlinea Film en Italie et Rimsky Productions au Royaume-Uni. Les ventes internationales du film ont été confiées à l’enseigne américaine Capstone Studios.
(Traduit de l'italien)
Galerie de photo 02/09/2022 : Venise 2022 - Padre Pio
22 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.
© 2022 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it
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