Critique : Les Miens
par Fabien Lemercier
- VENISE 2022 : Un drame remet en question l’équilibre d’une fratrie et d’une famille dans un film émouvant de Roschdy Zem où Sami Bouajila performe dans l’ensemble d’un cast impeccable
"Ce n’est pas un problème de famille, c’est un problème de regard et d’attention". Quand un événement traumatique bouleverse une fratrie d’adultes, la dureté de la situation, le désarroi, le déni parfois et les vérités violentes filtrant d’un seul coup remettent souvent en question l’équilibre des relations, le positionnement des uns des autres, les perceptions des rôles de chacun que le temps avait figés, jusqu’à la prise de conscience et l’acceptation de ses propres imperfections. Comme le dit l’expression populaire : on vide son sac par la fenêtre. C’est ce processus de "purification" dans l’intensité psychologique du cercle familial auquel Roschdy Zem a décidé de consacrer son très personnel (et néanmoins totalement universel) 6e long métrage de réalisateur, Les Miens [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film] (co-écrit avec Maïwenn), découvert en compétition à la 79e Mostra de Venise, un film simple, excellemment interprété par l’ensemble de son cast (notamment le toujours remarquable Sami Bouajila) et touchant à l’essentiel de l’humain, au croisement de l’amour de soi et de l’amour des autres.
Comme souvent dans les familles, tout commence par un repas ("ça fait plaisir d’être là tous ensemble") autour de quatre frères, Ryad (Roschdy Zem), Moussa (Sami Bouajila), Salah (Rachid Bouchareb) et Adil (Abel Jafri), et de leur soeur Samia (Meriem Serbah). S’y ajoutent les trois enfants de Moussa, une jeune cousine, la femme de Salah et Emma (Maïwenn), la compagne de Ryad. Autour du gigot, l’ambiance est détendue, mais Ryad, l’étoile de la fratrie (il est présentateur d’une émission TV de football) est accusé de ne pas être assez disponible pour sa famille. "Pas besoin de se remercier entre frères" rétorque t-il et on en reste là. Mais quelques jours plus tard, c’est l’accident : Moussa (qui cache sa séparation avec sa femme et s’annihile dans son travail de directeur financier) s’effondre en dansant à une fête. D’abord diagnostiqué en commotion cérébrale, le choc se révèle rapidement un très grave traumatisme crânien avec son cortège d’effets secondaires : agressivité verbale, colère ou réaction brusque pour des frustrations mineures, comportement désinhibé, humeur instable, somnolence permanente, déprime, etc. La famille doit donc s’occuper de lui, mais c’est loin d’être facile et le processus de guérison va aller bien au-delà de Moussa et atteindre Ryad.
Invité pour la première fois de sa carrière de cinéaste (ce qui n’est pas le cas en tant qu’acteur) au niveau de la compétition d’un grand festival, Roschdy Zem ne démérite pas, sans chercher à s’écarter de ses valeurs humanistes "ordinaires" ni à surjouer du côté de la mise en scène (à noter cependant la parfaite photographie organique de Julien Poupard). Mais ce naturel sobre et net, faisant la part belle aux comédiens et aux émotions justes (à la fois fortes et contenues) offre aux spectateurs un accès empathique direct et un impact intime emballé par un très beau final. Peut-être Les Miens est-il aussi une métaphore dissimulée de la question des Français issus maintenant de longue date de l’immigration qui, à travers leurs drames et leurs joies, ne sont tout simplement que des familles comme toutes les autres.
Produit par Why Not Productions et Hole In One Films, Les Miens est vendu par Wild Bunch International.
Galerie de photo 09/09/2022 : Venise 2022 - Les Miens
22 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.
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