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TORONTO 2022 Contemporary World Cinema

Critique : Le Lycéen

par 

- Christophe Honoré signe une oeuvre poignante et très impressionnante formellement centrée sur un adolescent en pleine crise de deuil

Critique : Le Lycéen
Paul Kircher, Vincent Lacoste et Erwan Kepoa Falé dans Le Lycéen

"Notre vie d’avant est finie. Si c’est comme ça, je veux tout changer." L’adolescence, comme chacun le sait, est une période particulièrement agitée de définition (à tâtons et souvent dans le conflit) de soi-même, mais si un deuil par surprise vient s’y ajouter, la crise prend une dimension existentielle encore plus aigue. Avec Le Lycéen [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Christophe Honoré
fiche film
]
(dévoilé au programme Contemporary World Cinema du Festival de Toronto et qui ralliera ensuite la compétition du Festival de San Sebastián), le cinéaste français Christophe Honoré, qui maîtrise tous les plats du la carte cinématographique (il s’agit de son 14e long), opère lui aussi une sorte de révolution. Portant sa sensibilité à un très haut degré d’intimité douloureuse, usant de sa science du scénario pour construire un récit dont la fragmentation sophistiquée (de subtiles variations autour d’une ligne directrice fermement tenue) reflète idéalement l’état d’esprit post-traumatique à vif de son personnage principal, et plongeant le spectateur dans une atmosphère immersive (un 35mm dont la patine évoque du Super 16) en totale adéquation avec son sujet, le réalisateur français donne le meilleur de lui-même et une œuvre très personnelle touchante et juste qui révèle le jeune Paul Kircher.

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"Je m’appelle Lucas et ma vie est devenue une bête sauvage que je ne peux plus approcher sans qu’elle me morde. Tout dans ma tête a l’air d’une menace." Pour le lycéen de 17 ans, la mort de son père dans un accident de la route au cœur des vallées de la Savoie est une déflagration très lourde de sens puisque deux semaines auparavant le père et le fils étaient sortis sains et saufs in extrémis d’un accident du même genre, juste après une confession troublante du père ("j’aurais pu avoir une vie différente, faire autre chose que prothésiste dentaire"). Un aveu et un accident prémonitoire ("j’ai cru que j’allais mourir ce jour là. Pourquoi je ne suis pas mort ce jour là ?") déstabilisant encore davantage Lucas qui tient l’événement secret.

Oscillant entre l’anesthésie et l’expression violente de sa souffrance ("soudain, je sens tout ce bruit à l’intérieur de moi"), Lucas traverse très difficilement les jours suivant le décès (la réunion de famille, le funérarium, l’enterrement, le cimetière, les perspectives d’avenir immédiat), peinant à trouver sa place, affectueux mais maladroit et rebelle, aux côtés de sa mère (Juliette Binoche) et son frère aîné Quentin (Vincent Lacoste). Ce dernier lui propose alors de venir une semaine chez lui à Paris. Mais les vagues émotionnelles souterraines de Lucas sont très loin d’être apaisées…

Très émouvant portrait d’un désarroi profond bouillonnant sous le masque de l’intransigeance agitée de l’adolescence, Le Lycéen est un film brillamment construit (un scénario écrit par le réalisateur) entremêlant voix-off de Lucas, élargissement habile de l’intrigue à travers son déplacement à Paris et l’introduction d’un quatrième personnage principal (Erwan Kepoa Falé), justesse impressionnante de la restitution de la chape de plomb déchirante que le deuil fait tomber sur une famille, radiographie des relations fils-mère et entre deux frères, imbrication de Thanatos et Éros, etc. Une très grande richesse pour un film plus que réussi, extrêmement vivant sous sa couverture de cérémonie mortuaire.

Produit par Les Films Pelléas et coproduit par France 2 Cinéma et Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, Le Lycéen est vendu par Pyramide International.

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