Critique : The Origin
par Manuela Lazic
- Ce premier long-métrage d’Andrew Cumming fait des débuts de l’histoire de notre espèce un film de genre où s’exprime une vision sombre de la nature humaine

Un groupe d’individus portant fourrure et peau de mouton sont rassemblés autour d’un feu la nuit. Ils sont silencieux, certains sont perdus dans leurs pensées, d’autres se reposent. Un enfant demande qu’on lui raconte une histoire, et c’est justement de leur histoire qu’il s’agit. Dès la toute première séquence de son premier long-métrage, The Origin, qui a fait sa première au Festival BFI de Londres, Andrew Cumming révèle la simplicité de la vie pour les humains du Paléolithique, mais aussi leur sentiment croissant qu’ils sont des survivants et des aventuriers. Leur capacité à être ensemble sans se parler et à se laisser réconforter par la chaleur des flammes semble à des années-lumière de notre faible capacité d’attention, à nous les humains modernes. En revanche, le fait qu'ils se sentent le besoin de recourir au récit pour comprendre qui ils sont est une chose à laquelle on peut indéniablement se rapporter.
Le groupe est mené par le patriarche Adem (Chuku Modu), qui promet de conduire sa famille en sécurité dès qu'ils seront parvenus à atteindre un territoire nouveau, donc pas encore familier. Malgré les craintes du plus âgé du groupe, Oldo (Arno Luening), qui parle de monstres cachés dans les ténébres, Adem est convaincu que sa force et sa détermination les protégeront : il semble être l’incarnation à la fois de la rationalité et de l'obstination humaine – alors que sa partenaire Ave (Iola Evans), à un stade de grossesse avancé, et leur jeune fils représentent des raisons concrètes pour cette foi infondée. Quand le monde entier est inconnu et potentiellement dangereux, que peut-on faire d’autre qu'y plonger la tête la première en espérant trouver un lieu sûr ?
Cependant, très vite, l’obscurité s'avère bel et bien dangereuse. Le fils d’Adem et Ave disparaît, apparemment capturé par un étrange animal. Déterminé à sauver sa descendance, mais aussi à prouver sa supériorité sur les éléments, Adem s'enfonce à l'aveugle dans la nuit, et c’est ainsi que commence ce qui fait l’effet d’un film d’horreur à créatures monstrueuses classique, voire cliché. On sursaute, des formes sombres se déplacent rapidement dans les bois et des hurlements rappelant Alien se font entendre qui deviennent vite répétitifs, à mesure que presque tous les membres du groupe traversent un à un une expérience similaire en voulant se mettre en quête de ses camarades, pour se retrouver face à cette bête cachée. Au-delà du caractère familier de l’ensemble, le choix de situer cette histoire au tout début de l’humanité fait l'effet d’une bourde : jusqu’au revirement qui survient au deux tiers du film, le spectateur (ou du moins l’auteure de ces lignes) se dit que Cumming devait ne pas être tout à fait convaincu de l’intérêt que pouvait avoir la vie à l’Âge de pierre et qu'il a, de fait, senti le besoin de corser les choses en ajoutant un élément d’épouvante à l’ensemble. Assez paradoxalement, un phénomène peu commun se produit alors : cette prise de conscience confère un surcroït de légitimité à ce qui s’est produit avant.
Les survivants du groupe doivent constamment faire des choix difficiles pour survivre, et Cumming semble défendre l'idée qu'un sentiment de responsabilité personnelle et un désir de vie en communauté sont des attributs humains naturels qui sont nés des circonstances hostiles dans lesquelles nos ancêtres ont évolué. Le film est un petit peu plus complexe, cependant, car certaines décisions laissent l'ensemble du groupe assez insatisfait. Dans The Origin, les humains qui nous ont précédés sont décrits comme capables d’animosité, de honte et de regret, et les noms d’Adem et Ave opèrent un renvoi pas franchement subtil à un péché originel qui a été porté comme un fardeau à travers les générations et que Cumming juge, c'est compréhensible, à jamais irréparable. Peut-être que le vrai monstre, c'était nous depuis le départ.
The Origin a été produit par les sociétés britanniques Escape Plan Productions et Selkie Productions.
(Traduit de l'anglais)
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