email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IDFA 2022

Critique : Polish Prayers

par 

- Dans son premier long-métrage documentaire, Hana Nobis nous transporte dans l’intimité d’un personnage complexe et touchant qui cherche à faire face à ses démons intérieurs

Critique : Polish Prayers

Polish Prayers [+lire aussi :
interview : Hana Nobis
fiche film
]
, un premier long-métrage documentaire touchant par la réalisatrice polonaise Hana Nobis qui a été projeté en première mondiale à l’IDFA dans la section Luminous, aborde avec courage les contradictions d’une nation, la Pologne, où des idéologies radicalement opposées sont dans une situation de cohabitation forcée. Celui qui nous sert de guide entre ces deux pôles opposés est Antek, un personnage énigmatique au regard pénétrant qui s’ouvre graduellement à la vie en prenant goût à des expériences qu’il avait toujours considérées comme interdites.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Le parcours d'Antek vers une sorte d’acceptation de lui-même et de ses propres contradictions sera long, et la destination incertaine (Nobis va le suivre sur quatre ans), mais ce qui compte, et ce que la réalisatrice filme avec courage et délicatesse, c’est le voyage plus que la destination. "Mon intention était de faire un film qui dépeigne les nombreuses facettes du radicalisme de droite, et de le faire à cœur ouvert. Le premier pas vers le changement est la compréhension", affirme Nobis, ce qui montre bien à quel point son regard est ouvert et non stigmatisant, intense et profond, mais sans juger. Polish Prayers nous prend par la main pour nous accompagner dans l’intimité d’un personnage à fleur de peau, touchant dans sa manière d’affronter les contradictions d'un monde intérieur qu'il a longtemps cru pouvoir contrôler, comme un brave petit soldat, défenseur d’une foi en apparence inaltérable.

Antek, le protagoniste de ce long voyage, doit devenir le leader d’un groupe catholique polonais très conservateur appelé Fraternité. À ce moment clef de sa vie et de son parcours idéologique, Antek se met à vaciller et à se poser des questions sur les principes moraux qui guident sa vie, transformant le réel en une chose unique, imperméable aux stimuli extérieurs. La scène initiale, d’une puissance et d’une élégance formelle à couper le souffle, où la réalisatrice le filme tandis qu’il lave sans aucun embarras ses parties intimes dans une rivière, nous fait comprendre que derrière la façade se cache un monde intérieur en ébullition. À ce propos, Hana Nobis précise : "quand j’ai connu Antek, j’ai compris que c'était un être blessé et qu'au fond de lui, il était plutôt sensible. Il a choisi de cacher cette partie de lui au monde en se déconnectant de ses émotions et en suivant les règles établies par sa famille, sur la religion et surtout sur la vision archétypique de la masculinité qui va avec ce monde". Ce qui obsède le groupe extrêmiste dont fait partie notre personnage est justement la masculinité entendue comme hégémonique et dominante, hétérosexuelle et patriarcale, qui doit selon eux réguler toutes les interactions sociales. "De quoi à besoin la Pologne ?", demande un membre du groupe pour s'entendre répondre en choeur par les autres : "de catholicisme et d'hommes courageux". Voilà le credo de ce groupe d'individus qui cachent leurs fragilités et leurs angoisses derrière le masque d'une masculinité patriarcale obsolète qui croit dominer le monde. Ce qui les anime et les touche profondément, les faisant se sentir "de vrais hommes", c'est la féminité "pré-révolutionnaire", comme ils disent, c'est-à-dire une féminité séduisante mais soumise, utile à la glorification de leur ego démesuré. L’évolution d'Antek, à savoir le passage de la mentalité dogmatique qui caractérise tout extrémisme à une apparente ouverture, et à un questionnement personnel de plus en plus fort, ne l’empêche pas toutefois de continuer à désirer avoir un corps masculin (souvent filmé à contre-jour, dans des clairs-obscurs majestueux à la Caravage) qui soit dans tous les cas toujours fort et musculeux. C'est justement ce condensé de paradoxes, le combat que doit mener le personnage pour trouver un équilibre qui se révèle chimérique, qui fait de Polish Prayers une œuvre puissante, rugueuse et raffinée qui ne cède pas aux compromis. Un film qui pose beaucoup de questions et ouvre un débat dont la Pologne (mais pas seulement) a certainement grand besoin.

Polish Prayers a été produit par First Hand Films GmbH avec Offhand Films, HBO Max, ARTE et Mitteldeutscher Rundfunk.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy