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IFFR 2023 Compétition Tiger

Critique : Mannvirki

par 

- Le premier long-métrage de Gústav Geir Bollason est un travail hybride cryptique, sans dialogues mais avec un design sonore immersif, qui semble traiter de la relation entre l’Homme et la Nature

Critique : Mannvirki

Parmi la multitude de styles, de formes et de genres qu’on trouve dans le champ du cinéma, il y a les films narratifs hermétiques ouverts à l’interprétation et il y a les films expérimentaux impénétrables. Le premier long-métrage de l'Islandais Gústav Geir Bollason, Mannvirki [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, qui vient de faire sa première à Rotterdam dans la compétition Tiger, se situe quelque part entre les deux. Ce titre, qui est plus une expérience qu’une histoire, offre néanmoins quelques aperçus de récits possibles, nichés parmi les nombreux contrastes dont il se compose.

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Il y a des gens dans le film, mais pas de personnages au sens traditionnel du terme, sauf peut-être sous forme d'échos d’archétypes mythologiques. Le seul vrai personnage est une structure monumentale de fer et de béton, décrépie et rouillée (mannvirki signifie structure en islandais), située au bord d’un fjord, comme si elle cherchait à se faire passer pour un réservoir d’eau, une centrale électrique ou une usine. De fait, ce personnage est joué par une ancienne usine de traitement de poisson désaffectée.

Plusieurs personnes de différents âges et sexes font quelque chose sur, autour ou à l’intérieur de la structure. Quoique ce qu'ils font est rarement clair, ils sont profondément happés par ces différentes activités, comme s'il s'agissait d'un rituel ancien. Une jeune femme descend au fond de la structure en passant par une trappe située sur le toit et se met à peindre à l'aérographe, sur le mur humide et gonflé, un symbole impossible à reconnaître, une plume à la main. Une autre est littéralement en train de battre l’eau qui se trouve à l’intérieur de la structure avec un objet qui évoque une balayette ou un fagots de branches, comme ceux qu’on utilise au sauna pour améliorer la circulation sanguine.

Un homme en canoë ou en kayak pagaie dans l'océan avec ses mains gantées, qui rappellent celles d'Edward aux mains d'argent, sauf qu'au lieu de lames, ce sont des plumes qui y sont attachées. Un autre type entasse des pierres comme pour recréer le monument mégalithique de Stonehenge. Un autre pousse un pneu qui contient quatre bouteilles de sable positionnées en forme de croix (une sorte de roue du temps).

La caméra plonge sous l’eau pour filmer le varech, et puis on voit une femme qui suspend les feuilles brunes pour les faire sécher. Une autre dame verse un liquide noir dans un vase et semble être en train de fabriquer un appareil d'extraction de pétrole. Deux personnes réunies sur un des nombreux toits de la structure sont occupées à en gratter la rouille, qui fait l’effet d'une mousse orange. On aperçoit une baleine qui sort pour respirer ; un chien se promène parmi les humains.

Les éléments naturels et (post)-industriels s'enchevêtrent et se fondent ensemble. Le pétrole, la suie et les cendres abondent dans ces étranges rituels. Des blocs de bois sont empilés avec des tubes de métal et des tuyaux en caoutchouc. Une grosse abeille se pose dessus.

Il n’a pas de dialogues, sauf trois phrases extraites des poésies de Sjón que lit une voix off féminine au début, au milieu et à la fin du film, et qui servent d'indices potentiels, les seuls qui nous soient livrés ici. La musique bourdonnante impressionniste de Hafdís Bjarnadóttir et le design sonore d'Ingvar Lundberg sont tellement Immersifs que si on ferme les yeux, on peut faire l’expérience de tout un autre film. Le métal qui grince et s'entrechoque, les bottes sur le béton, les vagues se heurtant à la structure et les bruits d’oiseaux composent un paysage sonore élaboré qui accompagne la caméra de Bollason tandis qu’elle balaie lentement les textures brutes de la structure. Cette dernière est devenue une partie du paysage de la côte, nature et usine ont fusionné, dans un phénomène d’entropie et de déclin. Si Mannvirki contient un  message, il est probablement situé là, dans l’interaction entre l’homme et la nature.

Mannvirki a été produit par la société islandaise Go to Sheep.

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(Traduit de l'anglais)

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