Critique : A House in Jerusalem
- Le duo créatif Muayad et Rami Alayan compose un récit d’apprentissage touchant qui exploite certaines figures typiques de la représentation du deuil et du traumatisme, mais avec fraîcheur et force
A House in Jerusalem [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], le drame de Muayad Alayan sur le passage à l’âge adulte, est probablement l’une des pépites de l’édition de l’IFFR cette année. Le long-métrage, écrit à quatre mains avec Rami Alayan, a été présenté dans la section Limelight de la manifestation néerlandaise.
Le film raconte l’histoire de la jeune Rebecca (Miley Locke), contrainte avec son père (Johnny Harris) de quitter l’Angleterre pour s’installer à Jérusalem. Celui-ci espère que ce nouveau départ en Israël aidera la fillette à surmonter la mort de sa mère. Après leur emménagement dans une vieille maison d’un quartier connu sous le nom de "Vallée des fantômes", une série d’événements mystérieux survient, événements dont on accuse Rebecca d’être responsable. L’extrême curiosité de la petite fille pour la trappe d’un puits situé dans la cour de la maison semble être ce qui déclenche ces phénomènes. C’est derrière cette trappe qu’elle trouve une vieille poupée abandonnée là, depuis des dizaines d’années certainement. Au bout d’un certain temps, Rebecca découvre ce qui se trame derrière tous ces phénomènes mystérieux. Alors que le film semble nous entraîner dans une histoire d’horreur classique, il prend une tournure inattendue.
Il semblerait que la maison est toujours habitée par l’esprit d’une mystérieuse fillette du nom de Rasha (Sheherazade Makhoul Farrell), qui prétend attendre depuis longtemps le retour de ses parents, contraints de fuir "les hommes armés". Seule Rebecca peut voir Rasha, et ensemble elles tentent de découvrir ce qui est arrivé à la famille de cette dernière.
La qualité de l’écriture est ici limpide. Le duo parvient en effet à aborder avec brio d’autres thèmes que la perte et le traumatisme. A House in Jerusalem est également un récit sur l’amitié, la santé mentale et les familles dysfonctionnelles, avec quelques allusions évidentes à la complexité de la situation sociopolitique en Israël.
L’ambition noble de mêler tous ces éléments pourrait facilement tomber dans le piège du scénario pot-pourri, mais heureusement, ils sont subtilement équilibrés et permettent à l’histoire d’avancer.
Les acteurs principaux sont franchement solides et convaincants. Locke, dont l’attitude et l’apparence ressemblent étrangement à celles de la jeune Millie Bobby Brown dans Stranger Things, apporte à son personnage ce qu’il faut d’esprit rebelle et de détermination. Pendant ce temps, Harris insuffle à son rôle une certaine fragilité et nous réalisons l’étendue de sa souffrance au cours de la scène dans laquelle Rasha observe l’un de ses secrets les plus tristes. Il fait de son mieux pour sa fille (et pour lui), pour qu’ils puissent tous deux avancer, cherchant une aide extérieure tout en essayant de garder les choses sous contrôle. De plus, la performance de Makhoul Farrell est crédible dans ce double rôle d’"esprit de la maison" et d’enfant abandonné qui a perdu la notion du temps et ignore tout du monde extérieur, ce qui n’est pas une tâche facile pour une actrice de son âge.
Dans l’ensemble, le film apparaît comme une métaphore convaincante sur le traumatisme. La nature de l’esprit qui hante la maison est entièrement révélée par un rebondissement surprenant. Même si le film a recours à des figures familières, le résultat final est frais et captivant.
A House in Jerusalem est une production de PalCine Productions (Palestine) et Wellington Films Limited (Royaume-Uni), coproduit par Metafora (Qatar), ZDF/ARTE (Allemagne), Cocoon Films (Royaume-Uni), Red Balloon Film (Allemagne) et KeyFilm (Pays-Bas), en collaboration avec la société émiro égyptienne MAD Solutions. Heretic (Grèce) assure les ventes à l’étranger.
(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)