21/02/2023 - BERLINALE 2023 : Ce deuxième long-métrage par John Trengove est un récit assez confus mais divertissant autour d’une secte d’incels pour qui tout se met à aller complètement de travers

Jesse Eisenberg dans Manodrome

Pour dire les choses sans détour, Manodrome [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], du réalisateur sud-africain John Trengove, est un film plutôt chaotique. Ce chaos est néanmoins divertissant et plaisant à suivre la plupart du temps, mais c’est aussi un exemple qui montre bien combien il est facile de perdre sa concentration quand on écrit une histoire chargée de trop de thèmes et styles cinématographiques différents. Le film, présenté en compétition cette année à Berlin, suit les mésaventures de Ralphie (interprété par un Jesse Eisenberg étrange, roux, le regard éteint), un jeune homme qui essaie de survivre comme chauffeur Uber et vit dans un tout petit appartement avec sa petite amie Sal (Odessa Young), caissière, et enceinte. Dès le début, on note que Ralphie semble déjà assez aliéné et en colère contre la société dans laquelle il vit, et la grossesse imprévue de sa petite amie est apparemment la raison principale de ses inquiétudes. La première scène introduit ce premier conflit du film peut-être un peu trop ouvertement, alors que Ralphie transporte une cliente qui donne le sein à son enfant. Son regard insistant fait peur à cette dernière, alors elle lui demande d’arrêter la voiture et de la laisser sortir.

Notre personnage, très assidu à la salle de gym, semble être en bons termes avec au moins une personne, Jason (Philipp Ettinger). Ce dernier lui fournit des stéroïdes pour améliorer ses performances athlétiques et sculpter son corps, dont Ralphie est assez obsédé. Jason découvre les difficultés que traverse Ralphie et l’invite à rencontrer une secte de misogynes fervents, plus connus dans la culture contemporaine sous le nom d'"incels", ce qui va considérablement secouer sa vie et sa vision du monde.

La secte est guidée par Dan, joué par Adrien Brody, qui confère à son rôle un mélange étrange de légèreté et d’agressivité, ce qui le rend à la fois effrayant et amusant à regarder. Dan pousse Ralphie à quitter sa petite amie et à s'installer avec les autres "fils" et "pères" de l’ordre. Ici, ce qui pourrait ne pas convaincre le spectateur est la rapidité avec laquelle Ralphie sombre dans une spirale infernale, peut-être parce qu'il a trop peu de motifs pour détester sa petite amie au point de l’abandonner avec son enfant. À partir de là, le scénario de Trengove devient de plus en plus chaotique et absurde, ce qui requiert une bonne dose de suspension d'incrédulité, chose à laquelle tous les spectateurs ne sont pas forcément préparés. Ainsi, la plupart des dynamiques causales logiques sont jetées aux quatre vents, ce qui rend les actions de Ralphie (et celles de quelques autres personnages), de plus en plus décérébrées.

Le résultat final est, dans une certaine mesure, un pastiche captivant qui réunit thriller, drame psychologique et figures classiques de la comédie surréaliste, avec une foule de retournements de situation. Ce joyeux fatras pourra être amusant ou fascinant pour certains, mais aussi frustrant pour d’autres. Quoiqu'il en soit, que les spectateurs ne s'attendent pas à un traitement sérieux d'un seul des thèmes que ce film essaie d’aborder.

Trengove ne prendra aucune direction précise jusqu’à la fin. Au lieu de ça, il décide d’habiter cette confusion, ouvrant et fermant les nouvelles "situations" abruptement et bouclant l'ensemble avec un final qui est, comme on peut s'y attendre, totalement exagéré.

Manodrome a été produit par Felix Culpa (États-Unis) et Liminal Content (Royaume-Uni). Les ventes internationales du film sont gérées par CAA Media Finance.

(Traduit de l'anglais)

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John Trengove, Sallieu Sesay, Philip Ettinger, Odessa Young, Adrien Brody, Jesse Eisenberg
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