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BERLINALE 2023 Encounters

Critique : Mon pire ennemi

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- BERLINALE 2023 : Dans le 2e documentaire sur les auteurs et victimes de tortures pour le compte du régime iranien qu’il présente au festival, Mehran Tamadon est interrogé par l’actrice Zar Amir Ebrahimi

Critique : Mon pire ennemi
Mehran Tamadon et Zar Amir Ebrahimi dans Mon pire ennemi

Après que Where God Is Not [+lire aussi :
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ait été présenté dans la section Forum de la Berlinale, l’autre partie du diptyque officieux de l’Iranien Mehran Tamadon, Mon pire ennemi [+lire aussi :
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, a fait sa première mondiale, toujours à Berlin, dans le cadre de la compétition Encounters. Ce documentaire, plus dépouillé et agressif que son prédécesseur, creuse encore plus en profondeur la question de la responsabilité du cinéaste. Pour ce faire, la célèbre actrice Zar Amir Ebrahimi se glisse dans le rôle d’une interrogatrice et grille le réalisateur.

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En voix off, Tamadon explique que son passeport a été confisqué par les autorités et qu’il a "conçu un plan" pour revenir dans son pays : il va faire un film où un ancien prisonnier va l’interroger, et quand il arrivera et sera arrêté, l’officier qui le fera verra son film. C'est, en surface, un dispositif encore plus naïf que celui de Where God Is Not, et le journaliste Taghi Rahmani, un des trois personnages de ce premier film, revient pour lui le lui dire, quand le réalisateur lui demande si ces bourreaux ont une conscience.

Au début, deux anciens prisonniers s'essaient à la mission d'interroger Tamadon, mais ils sont trop traumatisés (et humains) pour aller très loin. En revanche, Ebrahimi, plus connue pour le rôle qui lui a valu un prix d'interprétation à Cannes, dans Les Nuits de Mashhad [+lire aussi :
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, semble avoir moins de scrupules. La comédienne elle-même n’a jamais été emprisonnée, mais elle a été interrogée tous les jours pendant un an après la fuite d’une sextape privée. Pendant une heure des plus intenses, on reste avec elle et Tamadon dans les pièces nues d’une maison qu’il a louée afin de mener cette expérience.

Elle commence par le questionner sur son travail comme réalisateur et son lien avec un professionnel du cinéma avec qui elle a été en couple et travaillé sur Iranien [+lire aussi :
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. Le sujet dérive vite vers le terrain sexuel, et Tamadon glousse, mal à l’aise, quand elle lui ordonne de se dévêtir. Quand le réalisateur se retrouve en caleçon, on voit qu'il commence à avoir une image de ce qu'il a instigué.

Après un segment où Ebrahimi l'asperge d'eau froide et le force à marcher presque nu dans une rue parisienne (qui se trouve être déserte, par chance ou exprès) vers un cimetière (dans Iranien, Tamadon interviewait des mères de martyrs parmi des tombes à Téhéran) pour poursuivre l'interrogatoire, on passe à la partie finale, la plus révélatrice et la plus dure à regarder sans s'agiter dans son siège.

Après avoir passé la nuit dans une pièce fermée à clef, toujours en caleçon, Tamadon doit à présent monter et descendre les escaliers de la maison. Ebrahimi est encore plus impliquée, et le teinte à présent de notions qui viendront inévitablement à l’esprit du public aussi : "Est-il acceptable de faire souffrir des gens au nom du cinéma ?". "C’est toi qui nous torture avec ce petit jeu idiot !", lui hurle-t-elle en pleine face.

Cet "exercice" est, bien sûr, davantage tourné vers l’expérience vécue par Ebrahimi pendant ces deux jours d'interrogatoire que vers celle de Tamadon. En effet, le film parvient à faire le jour sur les mécanismes par lesquels les bourreaux perdent leur humanité et donne une réponse viscérale à la question sur la conscience que Tamadon avait posée à Rahmani. Pour le spectateur, passer une heure devant une simulation d’interrogatoire peut être éprouvant voire insoutenable, selon sa sensibilité, mais cela mène à un moment de prise de conscience sans égal. Ce décor étouffant, ces pièces dépouillées où deux personnes se livrent à un jeu de pouvoir terrifiant n’a sans doute pas l’éclat cinématographique de L'Acte de tuer [+lire aussi :
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ou de The Look of Silence [+lire aussi :
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, mais le film nous rapproche bel et bien de la vérité. Couplé avec Where God Is Not, Mon pire ennemi ne changera sans doute pas un malfaisant suppôt du régime iranien, mais est sans conteste éclairant pour les spectateurs suffisamment téméraires pour accepter cette proposition menaçante.

Mon pire ennemi a été coproduit par L'atelier documentaire (France) et Box Productions (Suisse). Les ventes internationales du film sont assurées par Andana Films.

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(Traduit de l'anglais)

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