Critique : Stams
par Susanne Gottlieb
- BERLINALE 2023 : Ce documentaire réalisé par Bernhard Braunstein sur l’école de ski d’élite du titre montre habilement quels efforts sont nécessaires pour réussir

Il y a une puissance sans limite et une corporéité débridée dans la manière dont les skieurs passent à toute vitesse devant la caméra. On pourrait penser que le réalisateur Bernhard Braunstein l'a placée au beau milieu d’une course de championnat du monde, mais les individus enfouis sous tous ces équipements et noms de sponsors sont des adolescents lors d'un entraînement. Ce sont les élèves de sports-études en internat de Stams, un lycée situé dans les Alpes tyroliennes, la future élite du ski. Le documentaire Stams [+lire aussi :
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fiche film], projeté dans la section Panorama Dokumente de la Berlinale, suit leur parcours sur toute une année scolaire, avec ses hauts et ses bas.
Après l’entraînement sur les pistes, il faut aller à la messe. L’école se trouve, après tout, dans une région assez conservatrice et traditionnelle. Mais il y a un commentaire incisif dans ce que Braunstein fait ici : skier en Autriche, spécifiquement dans le Tyrol, est plus qu’un passe-temps : c’est une religion en soi. Et quand le pasteur dit que tout le monde est égal en dignité, mais peut-être pas en talents, il semble que ces élèves ont été chargés d’une mission divine : skier et gagner pour leur pays (ce qui est à la portée de plusieurs d'entre eux, car l'école n'est pas réservée aux Autrichiens riches) devient leur vocation.
Braunstein, lui-même skieur passionné, n’essaie pas d'amoindrir ou de critiquer l’école ou ses élèves. Il offre un kaléidoscope d’impressions, bonnes, mauvaises ou autres. Dans ses plans, calmes et bien composés, il n’isole pas les efforts de deux ou trois éléments pour intégrer l’équipe de course. Au lieu de ça, il présente un éventail de personnages, chacun avec ses propres aspirations et ses défis à relever. Une fille parle ouvertement du souci qu'elle se fait par rapport à ce qu’elle fera d’autre dans la vie si elle n’arrive pas à faire carrière dans ce domaine. Une autre a du mal à s'arrêter sur cet objectif, et semble assez indifférente. "Ce n’est pas suffisant" est la réponse austère qu'elle reçoit de l’entraîneur quand elle déclare simplement qu’elle veut participer à une course locale.
Malgré les équipements dernier cri et les formidables rituels d’entraînement que les coachs et enseignants imaginent, cette volonté de fer qui est ainsi implantée dans ces jeunes gens, cette idée de triomphe de l’esprit sur le corps, fait parfois assez peur. Chez aucun on ne sent une once de plaisir ou de passion pour le sport qu'ils pratiquent. Voilà le cœur du dilemme que Braunstein dévoile, lentement mais sûrement. Dès que la fascination du spectateur pour ce régime de vie incroyablement strict s'atténue, une question reste : est-ce qu’il reste encore chez ces jeunes de l’amour pour leur sport ? De la joie pour ce qu’ils font ? Ou est-ce que ces élèves sont devenus des machines, esclaves d’un objectif qu’ils poursuivent depuis qu’ils ont trois ou quatre ans, sans jamais se retourner ni envisager des voies alternatives ?
Les blessures récurrentes, les séances de kiné et la peur de prendre du retard sont omniprésentes dans les conversations, et dans les yeux des jeunes coureurs. Parler de ligaments froissés est aussi commun chez eux que parler de mauvaises notes. C’est un domaine sans merci que le leur. Cependant, ce qui est intéressant, c'est que c'est aussi une discipline où se développent camaraderie, amitié et soutien moral, où ces jeunes gens, de (très) loin en loin, arrivent à se relâcher un peu et à se comporter comme des gens de leur âge.
Surmonter l’enfer qu’est un sport exercé au niveau compétition est impossible si on s'isole des autres : il faut former un réseau. Et l'école Stams, en dépit de tous ses mécanismes et exigeances, n’en fournit pas moins un havre où on peut poursuivre un rêve, et le faire ensemble.
Stams a été produit par la société autrichienne Panama Films. Les ventes internationales du film sont assurées par Rise and Shine World Sales.
(Traduit de l'anglais)
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