01/03/2023 - BERLINALE 2023 : Asaf Saban présente un récit d’apprentissage énergique mais légèrement déroutant sur des lycéens israéliens qui visitent d’anciens camps de la mort

Leib Lev Levin, Neomi Harari et Yoav Bavly dans Delegation

La coproduction entre la Pologne, Israël et l’Allemagne Delegation [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film] d'Asaf Saban, présenté dans la section Generation 14plus de la Berlinale, enchevêtre le chapitre le plus sombre de l’histoire commune de ces trois pays avec un récit d’apprentissage. Trois amis lycéens – Frisch (Yoav Bavly), Nitzan (Neomi Harari) et Ido (Leib Lev Levin) – partent en voyage en Pologne avec leurs camarades, leur enseignant et le grand-père de Frisch, Josef (Ezra Dagan), qui est un survivant des camps, pour visiter des sites et monuments commémoratifs sur la Shoah. Le trio est très solidaire, mais maintenant, les choses se compliquent, car Nitzan est amoureuse d'Ido, qui est déjà avec quelqu’un d’autre, et Frisch a des sentiments pour elle. Pour couronner le tout, Frisch est un exclu, ce qui est toujours difficile, en particulier au lycée.

Tandis qu’ils visitent les camps, suivent les rails des wagons à bétail qui ont mené les gens à leur mort, écoutent les histoires de Josef et regardent Un violon sur le toit ou Les Rescapés de Sobibor dans le bus, leurs vies sont transformées. Ce n’est toutefois pas le passé tragique de leur nation qui amène ce changement, mais principalement le voyage lui-même : nos adolescents sont en dehors de leur école, en dehors de leur pays et en dehors des règles. Ils ont l’occasion de voir un peu plus clairement qui ils sont, ce qui est important pour eux et à quel point le monde peut être vraiment, vraiment affreux parfois. La classe se concentre plus sur les vies privées, mais le politique n’est pas ignorée non plus. Chaque nuit, les participants au voyage se réunissent et discutent de l'impact qu'il est en train d’avoir sur eux. Certains pleurent, d’autres sont d’autant plus convaincus de la nécessité du service militaire obligatoire, et Nitzan ne sait pas vraiment comment gérer ce qu’elle est en train de vivre. Elle essaie d'exprimer l'horreur et la douleur qu'elle ressent à travers un projet artistique, ce qui ne l’aide pas nécessairement. Frisch, de son côté, prend une folle décision : il s'évade du bus de l’école, éteint son téléphone et fait du stop jusqu’à Auschwitz. En chemin, il rencontre des locaux polonais et voit une autre manière de se remémorer la Shoah. Il apprend aussi qu’il est assez fort et indépendant pour assumer son statut social, et que s'égarer n'est peut-être pas la pire chose au monde.

Delegation est un film énergique et dynamique, tout comme ses personnages, et Asaf Saban dirige plutôt bien ses comédiens. Cependant, le film a quelques défauts trop habituels dans les premiers longs-métrages, notamment le fait que le scénario écrit par Saban essaie de mettre trop de choses dans une seule histoire. Le récit d’apprentissage aurait été largement suffisant, et la même chose vaut pour le sujet des voyages scolaires organisés par les lycées israéliens en Pologne (présentement suspendus pour cause de problèmes diplomatiques entre les deux pays), qui exposent les jeunes à des choses terrifiantes. Même la relation entre ces petits-enfants et leurs grands-parents, les derniers survivants à l'Holocauste, qui racontent leurs horribles souvenirs chacun à sa manière (Josef offre au film une de ses scènes les plus touchantes quand il parle de son premier amour), aurait suffi. La myriade de sujets et motifs du film crée un peu de confusion par moments. Heureusement, chaque réalisateur ne fait qu’une fois son premier film.

Delegation a été produit par Koi Studio (Pologne), Gum Films (Israël) et In Good Company (Allemagne). Les ventes internationales du film sont gérées par New Europe Film Sales.

(Traduit de l'anglais)