Critique : Roving Woman
par Savina Petkova
- Ce premier long-métrage par Michał Chmielewski est une carte de visite solide sur l’amour et la solitude partagée, située dans le désert de Californie, avec comme producteur délégué Wim Wenders
Souvent, tout commence par une fin. Dans la scène d’ouverture de Roving Woman [+lire aussi :
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Pour confectionner ce premier long-métrage, le réalisateur polonais a collaboré avec Góra dès le début du projet. C'est ensemble qu'ils ont façonné ce récit, qui suit une quête intérieure frénétique dans une sorte de sanctuaire du cinéma : 95 minutes de dérive qui font l’effet d’être chez soi. Chmielewski et sa comédienne ont écrit le scénario d'un film ayant Los Angeles comme point de départ, et même si Paris, Texas n'était pas spécialement une référence, ils ont obtenu le soutien de Wim Wenders comme producteur délégué. Le potentiel qu'a LA la ville des étoiles à être louche offre un parallèle avec les combats intérieurs de Sara par rapport au monde extérieur, mais après sa rupture inexplicable, Sara est tout sauf découragée. Après avoir passé la nuit sur un canapé abandonné dans la rue, dans une séquence longue et ininterrompue filmée en plan large, elle vole une voiture avec nonchalance, presque comme si c'était tout naturel. normal. de rien n’était. à vérifier. Roving Woman traite des aspects pratiques comme celle-ci d’une manière très raffinée et séduisante qui témoigne d'une curiosité et d'une affection qui valent autant pour un vieux mix sur cassette audio que pour les histoires personnelles des gens.
Sur la route, Sara rencontre des locaux qui la régale de récits in medias res, comme s'ils retrouvaient une vieille amie. Chmielewski et son équipe ont trouvé beaucoup de ces grands solitaires sur place. Certains, comme Brian McGuire et le comédien nominé aux Oscars John Hawkes, sont des acteurs professionnels ; d’autres, comme le producteur américain Chris Hanley, présentent une version d'eux-mêmes réactive et fluide par rapport aux procédés de la production. En effet, le tournage lui-même a été assez libre et il a compris des improvisations et des caméras cachées dans la voiture, pour saisir les réactions authentiques de certains passants devant cette femme esseulée cherchant de l’essence pour sa voiture, de la petite monnaie ou à passer un coup de téléphone.
Le chef opérateur Łukasz Dziedzic préfère les longues prises statiques qui rendent compte du rythme de la vie qui se déploie, intérieurement et extérieurement. Les interactions, montrées d'une certaine distance et parfois intervenant hors-champ, ont une saveur d’émerveillement documentaire sans jamais donner l'impression d'exploiter les gens. jamais semblé trop exploitante exploite attriste exploiter. Le monteur Przemysław Chruscielewski travaille de manière économique, allant droit au coeur de la vérité non-verbale du film. Dans un geste qui est un peu sa signature, il fait allusion au lien complexe entre sentiments et images en une seule coupe nette : un instant, Sara apprécie la présence amoureuse d'un couple qui vit dans une caravane, l'instant d'après elle s'éloigne, au volant de sa voiture, avec des larmes roulant sur ses joues. Tout du long, Góra est resplendissante dans le rôle de cette femme forcée de se confronter à sa propre solitude, et même, on pourrait dire qu'elle irradie une sorte de chaleur qui promet que tout ira bien. Le personnage comme le titre du film sont inspirés par la figure de Connie Converse, une musicienne qui a disparu sans laisser de traces en 1974, mais Roving Woman ne saurait être confiné à un seul cadre de référence. C'est un premier long-métrage prometteur avec des moyens formels modestes mais une puissance de niveau sismique, où les dénouement rassemblent les gens, même dans leur solitude.
Roving Woman a été produit par Friends With Benefits Studio (Pologne) et coproduit par Amor Vacui Films (États-Unis/Pologne).
(Traduit de l'anglais)
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