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CPH:DOX 2023

Critique : État limite

par 

- Nicolas Peduzzi fait son retour avec un documentaire intense qui se passe dans un hôpital de Clichy où un jeune psychiatre s’occupe de cas compliqués avec une patience et une indulgence rares

Critique : État limite

L’Hôpital Beaujon de Clichy, près de Paris, est une des nombreuses victimes des restrictions de budget dans le système de la santé français, et c’était déjà le cas avant que de nouvelles coupes ne soient annoncées. L'établissement n'emploie qu’un seul psychiatre, qui assiste des patients venus pour d’autres raisons, souvent des accidents graves et des tentatives de suicide. Ce psychiatre, c'est le Docteur Jamal, 34 ans, et il est le sujet de État limite [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, le nouveau documentaire de Nicolas Peduzzi, qui vient de faire sa première mondiale à CPH:DOX.

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Peduzzi suit Jamal sur différentes saisons, mais comme le plus gros du film se passe dans l’hôpital, on ne peut en juger qu'en fonction de ce qu’il porte sous sa blouse blanche. Le réalisateur utilise toujours une caméra tenue à l’épaule, qui poursuit souvent le médecin tandis qu’il va de patient en patient, consulte ses collègues et, parfois, livre ses idées, très bien pensées et raisonnables, sur la psychiatrie et la manière dont le monde traite ceux qui le voient différemment. Lui-même, fils de deux médecins syriens, voulait être plus qu'un chirurgien et contribuer autrement à la société.

Les patients sont presque aussi fascinants que notre personnage, et Peduzzi a clairement choisi les bons segments pour nous rapprocher de ces gens malheureux. Jamal est notre intermédiaire : ce sont les soins qu'il leur prodigue et l’intérêt authentique qu’il leur porte qui nous permettent de les voir comme des personnes, au-delà de leurs maux et diagnostics. Au début, la police amène un individu appréhendé par eux en état d’intoxication, qu’ils ont battus avant, et Jamal désamorce cette situation tendue avec un sens de la diplomatie remarquable.

Aliénor, toxicomane, est tombée d’un pont devant un train, perdant ses deux jambes ainsi qu’un avant-bras. Sa sœur est très ferme : elle ne sera plus là pour elle si Aliènor n’abandonne pas une bonne fois pour toutes les substances psychoactives. Jamal explique que les choses ne sont pas aussi simples et que tout ne relève pas de la responsabilité de sa sœur : le problème tient aussi aux traitements prescrits dans les centres de désintoxication.

Un jeune homme désespère parce qu’il a eu une pancréatite et vient d’apprendre que cela pourrait se produire de nouveau à n’importe quel moment, alors qu’il ne boit même pas. Jamal essaie de le faire parler des séries médicales qu’il aime bien regarder. Une jeune femme hollandaise a l’air complètement perdue, mais refuse de retourner à Maastricht, apparemment terrifiée par ses parents. Jamal la traite avec respect et compréhension quoiqu’il ne saisisse pas complètement ce qu’elle veut faire, pourquoi ou comment.

Le fils ne s'appelle pas État limite pour rien, mais Jamal ne craque jamais : il est même patient avec l'équipe du film, fournissant des explications supplémentaires sans qu’on le lui demande alors même qu’il se précipite avec une infirmière dans le couloir. Cependant, le montage dense et la très grande proximité qu'on a avec ces personnes et relations intenses peut submerger le spectateur, comme si on était à l’hôpital avec lui. Pour compenser, Peduzzi nous laisse respirer de temps en temps, en employant des photos en noir et blanc, des fondus enchaînés ou du split screen qui nous rappellent qu’on est devant un film et c’est généralement le thème musical dominé par le piano, extrêmement évocateur et dynamique, qui indique qu'on repart pour un tour.

À travers les réflexions de Jamal et ses discussions avec ses collègues, on comprend peu à peu que le problème institutionnel ne concerne pas que le secteur de la santé et va beaucoup plus loin que les préoccupations budgétaires : tout le système est monté à l’envers et ce qui manque, c’est une vraie humanité et le soutien qu’on peut s’offrir les ans aux autres. Jamal à les deux, à revendre, et en le voyant dans l'exercice de son métier, on est d’accord avec cette idée.

État limite a été produit par la société française Gogogo Films.

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(Traduit de l'anglais)

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