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HOT DOCS 2023

Critique : Al Djanat - Paradis originel

par 

- La réalisatrice burkinabé Chloé Aïcha Boro relate son histoire familiale compliquée de manière contenue, intelligente et intrigante

Critique : Al Djanat - Paradis originel

Après sa première mondiale à Visions du Réel, le premier long-métrage documentaire de la Burkinabé installée en France Chloé Aïcha Boro, a été projeté à Hot Docs. Dans Al Djanat - Paradis originel, la réalisatrice traite de son histoire familiale compliquée en adoptant une approche admirablement sobre et  pragmatique qui permet d'intégrer au propos beaucoup de sujets plus vastes.

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Boro appartient à la famille Coulibaly, respectée et influente au sein du peuple des Malinkés. Après que son oncle Ousmane, le patriarche et leader religieux local, ait péri piétiné par la foule  en faisant son Hajj vers la Mecque, elle revient dans les terres familiales, au sein d'un village situé près de Dédougou. La tâche à accomplir n'est pas mince : Ousmane laisse derrière lui 19 enfants, et la famille étendue fait la taille d’une tribu, comme la réalisatrice le dit elle-même en voix off. À présent, il faut s'occuper de l’héritage.

Même si ni la tradition islamique, ni la tradition animiste n'interdisent la division du sol, impossible que chacun ait ici sa part, de sorte que deux factions principales émergent. La terre en cause étant la cour ancestrale au sein de la zone occupée par la famille, une partie de la famille veut la garder telle quelle, à la disposition de tous, alors que les autres veulent la vendre. Les frères d'Ousmane craignent qu'elle ne reviennent qu'à ses enfants, et décident de porter les choses devant le juge.

Les protagonistes principaux de l’histoire sont quatre des fils d'Ousmane, parmi lesquels Checki et Bilal s'expriment avec le plus de virulence. Checki, qui gère les finances de la famille, est évidemment partisan de la vente alors que Bilal, le plus jeune, veut perpétuer le parcours du père. La cour en question est bien plus qu'une simple propriété : c’est leur centre spirituel, le foyer de leurs ancêtres, une chose à laquelle ils sont très fortement connectés. Par le passé, c'est là que les gens venaient prier, car il y avait peu de mosquées dans la région.

Tout cela transpire à travers de nombreuses conversations entre les membres de la famille, en petits groupes de proches et en forum, pour ainsi dire, avec un grand nombre de parents réunis, assis en cercle sous un des porches, à discuter avec animation de leurs opinions et leurs besoins. Bien sûr, les femmes ne participent pas à la conversation, mais Boro s'assure de bien raconter leurs histoires aussi, notamment celle de la fille d'Ousmane qui s’appelle Sanaa. Elle était dans un mariage arrangé qui est maintenant terminé depuis longtemps, et fait partie des rares membres de cette famille qui vivent effectivement sur cette terre, de sorte que si elle était vendue, elle perdrait le logis.

Les graines de la discorde ont été semées dans la femille. L'atmosphère devient chargée de nervosité, oppressante. Les choses empirent encore quand des manifestants (sans qu'on en sache davantage) saccagent le tribunal et que la procédure est mise en attente.

Boro met fortement l'accent sur les coutumes et traditions, la plus intéressante étant celle qui consiste à enterrer le cordon ombilical de chaque enfant dans la terre des ancêtres après sa naissance, faute de quoi il ne grandira pas en bonne santé. Deux séquences, dont une naissance, se rattachent à ce rituel.

Al Djanat - Paradis originel est un film complexe à plusieurs strates qui dépeint clairement le choc entre les traditions et la modernisation. Les règles tribales de propriété des terres tribal sont difficiles à concilier avec les normes occidentales, mais les femmes commencent à se rendre compte qu’elles n’ont pas à être des esclaves, ce qui provoque un retour de bâton parmi les hommes. La voix off de Boro est utilisée avec parcimonie, pour clarifier certains points, mais ses réflexions philosophiques sur l’identité, la structure de la famille et la nostalgie de la terre natale sont encore plus sagaces et captivantes.

Al Djanat - Paradis originel a été coproduit par Les Films de l’oeil sauvage (France), Les Productions Métissées (Burkina Faso) et Merveilles Production (Bénin). Les ventes internationales du film sont gérées par Andana Films.

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(Traduit de l'anglais)

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