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DOCAVIV 2023

Critique : Paradis

par 

- Le troisième documentaire d'Alexander Abaturov dépeint une tragédie humaine dans la taïga sibérienne avec l'urgence d'un film catastrophe

Critique : Paradis

Le documentaire effroyablement spectaculaire Paradis [+lire aussi :
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, qui a fait sa première à l’IDFA et qui est présentement au programme de Docaviv en compétition internationale, embrasse l’extase et l’agonie des paysages de Sibérie du Nord à travers une intrigue dont le coeur est un combat inégal de l'humain contre les incendies de forêt. Derrière le tableau sublime d'un désastre naturel rampe un récit qui discrédite ouvertement l’État russe : la loi fédérale considère les zones reculées ou peu peuplées comme des "zones de contrôle" où les autorités ne sont pas obligées de lutter contre les incendies de forêt si le coût de leur extinction dépasse les dommages estimés. Plus de 80 % de la Iayoutie, où Paradis a été tourné, est une zone de contrôle, de sorte que ses habitants, principalement indigènes, sont pratiquement abandonnés par l’État et laissés à la miséricorde de Dieu.

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En tant que Russe originaire de la plus grande ville de Sibérie, Novossibirsk, à présent installé en France, le réalisateur Alexander Abaturov critique incessamment le régime de Poutine depuis son premier film, Les Âmes dormantes (2013), qui dévoilait les mécanismes à l’œuvre derrière des élections locales, suivi par Le Fils [+lire aussi :
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(2018), sur l'inconsolable famille d'un jeune soldat mort lors d'une mission spéciale au Daguestan. Paradis se concentre avant tout sur des situations et destins concrets, alors que le contexte politique, situé au début à travers un texte apparaissant à l'écran, sert de récit de fond implicite – qui pique suffisamment la curiosité pour qu’on enquête davantage sur la question après le générique de fin.

Des plans englobant de vastes territoires, accompagnés par une musique cosmique qui rappelle la célèbre bande originale composée par Edouard Artemiev pour Sibériade d'Andreï Kontchalovski, donnent au film sa texture sensorielle et transmettent un sentiment de solitude dans les vastes espaces. Les gens du village de Shologon semblent encore plus solitaires quand ils découvrent que la forêt brûle aux abords de leurs vulnérables maisons de bois. Malgré de nombreux appels téléphoniques, aucune aide ne viendra de nulle part. Si le feu atteint le lac, il deviendra une menace pour le village et tout le monde devra fuir en emportant ses biens les plus précieux. On sent l’anxiété dans l'air et paradoxalement, l'image d'enfants qui jouent et de femmes qui chantent ajoute à ce sentiment, parce qu’on a la sensation qu’on est déjà en train de pleurer ces scènes qui pourraient bien disparaître pour toujours quand l'inévitable désastre se produira. La majorité du temps d’écran est occupé par l'observation, de près, des préparatifs et des actions désespérées entreprises seuls par les locaux pour repousser le feu. Le dénouement reste ambigu, ouvert et peu clair, malgré les terrifiantes statistiques concrètes fournies sur les incendies qui, en 2021, ont atteint le Pôle Nord pour la première fois de l’Histoire.

En combinant son expérience journalistique et son habilité de cinéaste, Abaturov construit à partir de la chronique d'une extinction un récit dynamique qui crépite de tension et de suspense – évidemment, la stratégie d'autoprotection de ces communautés sans défense, dans les marges de la civilisation, ne saurait fonctionner indéfiniment. La vérité des images est indéniable. Cependant, l’ordre dans lequel la "matière vivante" a été organisée est sans doute trop calculé pour invoquer des émotions spécifiques. Et bien que le film parvienne à retenir l’attention du spectateur et à ce qu'il soit investi émotionnellement jusqu’à la dernière minute, l'élément spectaculaire, pourtant bien intentionné, détourne un peu d’un certain sentiment d’authenticité.

Paradis a été produit par la société française Petit à Petit Production, en coproduction avec Siberiade (France), Intermezzo Films (Suisse) et ARTE France. Les ventes internationales du film sont gérées par The Party Film Sales.

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(Traduit de l'anglais)

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