Critique : Simple comme Sylvain
par Savina Petkova
- CANNES 2023 : Monia Chokri présente un troisième long-métrage maîtrisé qui propose une lecture rafraîchissante de la monogamie et ses défauts

Dans le nouveau film de Monia Chokri, Simple comme Sylvain [+lire aussi :
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fiche film], la grande force motrice, c'est la passion. Après dix ans de mariage, d’amour et d’épanouissement intellectuel, Sophia (Magalie Lépine Blondeau), enseignante en philosophie, change sa vie du tout au tout en cédant à l'appel d’une liaison passionnée avec le beau Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), qui a été embauché pour rénover sa maison. Le film, qui s’intéresse aux méandres de l’amour et des relations homme-femme, ne moralise ni ne prêche, ce qui est probablement sa qualité la plus précieuse. L’actrice et réalisatrice québécoise semble plus détendue et curieuse dans ce troisième long-métrage derrière la caméra, présenté à Cannes dans la section Un Certain Regard, peu après la première mondiale à Sundance de son film précédent, Babysitter [+lire aussi :
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fiche film], l’année dernière seulement.
Simple comme Sylvain propose une lecture rafraîchissante des inconvénients de la monogamie et une belle remise en question de soi (merveilleusement bien interprétée) par son personnage principal, Sophia. Très tôt, il est évident pour le spectateur que son mariage avec Xavier (Francis-William Rhéaume) fonctionne comme sur des roulettes : ils arrivent à dormir dans des lits séparés et passer du temps à part tout en conservant leur intimité comme meilleurs amis et compagnons. Même si leur vie sexuelle n’est pas explicitement évoquée, on entend deçà, delà des fragments de conversation qui laissent entrevoir la perspective qu'ont d’autres gens sur la manière dont il faut procéder pour entretenir la passion dans un couple. "Ils ont des relations cinq fois par semaine", dit un personnage en parlant d'un autre couple, mais "ils ne font que se disputer". Dans un choix de mise en scène assez intéressant, Chokri nous fait connaître, dans un premier temps, les désirs sexuels de son héroïne à travers ce genre de médiation, pour ensuite les mettre à nu totalement quand Sylvain entre en scène.
Sophia et lui sont sensuels, surprenants et d'un niveau de compatibilité excitant. Il n’a pas dû être facile de générer des interprétations aussi naturalistes dans autant de scènes de sexe (et d’une telle variété !), mais Lépine-Blondeau et Cardinal ont une alchimie explosive. Le film doit beaucoup de son charme visuel au travail du chef opérateur André Turpin (Mommy [+lire aussi :
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fiche film]) et de la monteuse Pauline Gaillard, qui dépeignent la continuité physique et émotionnelle entre les deux personnages comme inévitable à travers l’utilisation de zooms lents et d'un montage match on action très réussi qui assemble une scène coquine et une scène de déjeuner juste après l'amour.
Pour ce qui est de l’aspect verbal de leur relation, pour évacuer toute conjecture sur la question de savoir si leur attirance est liée ou pas au fait qu'ils soient de milieux intellectuels différents (Sylvain étant issu d’une famille de la classe ouvrière), quelques allusions subtiles au mélodrame classique Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk se nichent dans la manière dont d’autres personnes perçoivent leur nouvelle relation. Ils ne tarderont pas à se chamailler et se disputer (non moins passionnément) et suggérer une potentielle incompatibilité.
Bien que Simple comme Sylvain n'arrive pas à lever la pensée pessimiste selon laquelle tous les exemples de vie amoureuse hétérosexuelle et monogame sont condamnés à répéter le même cycle (passion/mariage/déclin du désir), le film propose une lecture spéciale et nuancée sur l’amour et ce que l’amour peut être. Il suggère aussi un canon d’études sur les liens sentimentaux (à travers des citations de références comme Platon, bell hooks et Vladimir Jankélévitch, mais qui ne sont jamais didactiques). Dans l’ensemble, le nouveau film de Chokri respire autant la confiance en soi que son héroïne, une femme qui sait comment formuler ses désirs, céder et puis les laisser derrière elle si c'est la bonne chose à faire.
Simple comme Sylvain a été produit par Metafilms (Canada) et MK Productions (France). Les ventes internationales du film sont gérées par mk2 films.
(Traduit de l'anglais)
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