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CANNES 2023 Quinzaine des Cinéastes

Critique : Grace

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- CANNES 2023 : Le film de Ilya Povolotsky est un récit d'apprentissage doublé d'une oeuvre d'évasion qui ne semble pas à sa place sur la Croisette, en plus d'arriver à un moment pas du tout pertinent

Critique : Grace
Maria Lukyanova dans Grace

Ce n'est pas une tâche facile que d’écrire une critique de Grace [+lire aussi :
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d'Ilya Povolotsky, une production russe qui a fait sa première mondiale cette année à la Quinzaine des Cinéastes de Cannes. Pour simplifier, cet article se divisera en deux parties : une qui traite le film comme un objet cinématographique, l’autre qui examine son positionnement au sein du festival et la signification de sa présence sur la Croisette. L'auteur de ces lignes croit en effet que ce second aspect doit être abordé, parce que les événements qui sont en cours à nos portes ne se passent pas sur une planète mystérieuse et lointaine, mais sont récents et douloureux, et ils ont d'énormes conséquences sur la vie de millions de gens.

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L’intrigue de Grace, composée par le réalisateur, suit deux personnages assez silencieux : un père (Gela Chitava) et sa fille adolescente (Maria Lukyanova). Ils vivent dans un van exigu et rouillé qui contient tous leurs biens, notamment l’équipement nécessaire pour monter un cinéma itinérant. Ils survivent en s’arrêtant dans de petits villages et en vendant de la nourriture et des boissons pendant les projections.

On n’en saura pas beaucoup plus sur les deux personnages principaux, car ils sont très peu développés. Les rares péripéties du film se déploient très lentement. Le film est dominé par de longues séquences et des moments éreintants de lenteur, dont la grande majorité n'ajoutent rien au récit.

De plus, les réactions des personnages et leurs interactions sont peu naturelles. Ils se conduisent de manière irrationnelle, leurs motivations ne sont pas claires et leurs relations avec les autres ne sont pas développées. On peut citer en exemple le jeune garçon qu’ils rencontrent en chemin. L’adolescent a une brève rencontre, très brève, avec la fille, car il s’ennuie pendant la projection. Dès le lendemain, il décide de les poursuivre et supplie le père de l'amener avec eux. Quelques autres personnages sont banalement surréalistes ou romanticisés, comme l'ivrogne qui vend des romans pour 50 roubles au milieu de nulle part, pour n'en mentionner qu'un.

Il est également difficile de déterminer le style de ce film. Il commence comme un road movie, puis devient un récit d’apprentissage poussif (encore de jeunes adolescents et leur appétit sexuel), puis prend, plus tard encore, une tournure plus "sombre" (quoique la musique perturbante de Zurkas Tepla, qui se fait entendre de temps en temps, l'annonçait un peu), avant d'arriver à une conclusion proche du drame psychologique classique. Le fait que le van soit un cinéma itinérant est de peu d'importance, malgré son grand potentiel ludique. C’est juste leur source de revenus (ils auraient pu vendre littéralement n’importe quoi d’autre que ça n'aurait pas changé l'intrigue). Ce choix spécifique n’est pas exploité pour ajouter des couches supplémentaires de sens ni pour dire quelque chose sur le médium lui-même.

Il est vrai que le film a été tourné en 2021, avant que le conflit entre la Russie et l’Ukraine ne s'enflamme, mais la présence de ce titre au festival n’a pas beaucoup de sens aujourd’hui. Dans l’ensemble, Grace est un récit fuyant la réalité qui n’est pas à sa place ici et qui est montré au mauvais moment, en plus de n'être pas assez remarquable, ni esthétiquement, ni sur le plan narratif, pour justifier sa sélection. Il n'use même pas de métaphores subtiles, ni ne s'aventure dans la satire discrète sur le pouvoir et l’autorité, contrairement à d’autres films plus anciens produits dans le même pays – pour ne citer qu’un titre, Captain Volkogonov Escaped [+lire aussi :
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fiche film
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avait plus à dire sur la Russie d’aujourd’hui que ce premier film de Povolotsky. Il est particulièrement pertinent de le souligner, parce que le film a été présenté comme un exemple de cinéma indépendant russe et que dans une interview publiée dans Paris Match il y a quelques jours, Thierry Frémaux dit que le Festival de Cannes a "toujours été politique".

Grace a été produit par la société russe Blackchamber.

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(Traduit de l'italien)

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