Critique : The Gullspång Miracle
- Dans son premier long-métrage, Maria Fredriksson raconte une troublante histoire de retrouvailles familiales qui se mue progressivement en un récit mystère extrêmement étrange

Le premier long-métrage de Maria Fredriksson, The Gullspång Miracle [+lire aussi :
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Dans le film de Fredriksson, on découvre d’abord qu'une prémonition divine a amené deux sœurs sexagénaires, May et Kari, à acheter un appartement dans la petite ville suédoise de Gullspång. Première surprise : il s'avère que la vendeuse, une femme nommée Olaug, ressemble trait pour trait à la grande sœur de May et Kari, Lita, qui s’est suicidée en juillet 1988. Elles décident toutes les trois de faire un test d’ADN et découvrent qu’elles sont bel et bien sœurs, et qu'Olaug est la jumelle perdue de Lita. Olaug a apparemment été inscrite à l'état civil avec une date de naissance différente et confiée par le père à une autre famille. En effet, à l’époque, le Reich était obsédé par les jumeaux et jumelles et soumettait souvent ces enfants à des expériences médicales, de sorte que les seuls choix possibles étaient de vivre dans le secret ou d’être séparé(e)s.
Olaug a grandi dans une famille riche, de l’autre côté de la Norvège, et fait une brillante carrière dans l’armée. De leur côté, May, Kari, leur soeur Solveig et leur frère Arnt ont passé leur enfance dans une humble maison, dans une petite ville de province, et grandi dans un environnement très religieux.
Tout ceci nous amène à penser qu'on va être témoin d’une histoire de réunification "miraculeuse", avec un dénouement heureux assez prévisible, mais ce n’est pas le cas, car le milieu et les idées d'Olaug vont vite se heurter à tout ce qu'est et croit sa famille retrouvée, ce qui donne lieu à des pensées (et des paroles) déplaisantes de part et d'autre. May et Kari sont particulièrement étonnées de constater à quel point les gestes et les airs d'Olaug sont identiques à ceux de feu leur soeur, alors que sa personnalité est totalement à l’opposé.
De son côté, Olaug semble déterminée à découvrir ce qui est arrivé à Lita. Elle n’est pas convaincue par l’explication que lui donne sa famille biologique sur la mort de sa jumelle, et remet en cause l’enquête de police, puis sa propre parenté, demandant un nouveau test d’ADN.
Ce qui vient ensuite est surprenant, surréaliste et perturbant, et c’est le moins qu’on puisse dire. The Gullspång Miracle se mue en une sorte de film mystère "plus étrange que la fiction" sur l'identité, les secrets de famille et le besoin de croire. De toute la deuxième partie du film se dégage une ambiance étrange à la Twin Peaks, peut-être délibérément soulignée par les plans fréquents sur une photo de la jeune Lita devant un fond en bois qui rappelle vaguement celle de Laura Palmer.
La séquence de clôture et l'étrange message de répondeur laissé par Olaug nous laissent totalement désemparés, au point qu'on se met à se demander si toute l'histoire n'a pas été inventée par certains des protagonistes, voire par la réalisatrice elle-même.
La vérité, c'est qu'on ne le saura probablement jamais. Il n'en reste pas moins que le mystère et le sentiment de perplexité que laisse ce film au spectateur en fait un objet cinématographique singulier et totalement captivant qui sera difficile à oublier.
The Gullspång Miracle a été produit par Ballad Film (Suède) en coproduction avec la chaîne publique SVT, Film i Väst, Film Stockholm, Mer Film (Norvège) et Good Company Pictures (Danemark).
(Traduit de l'anglais)
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