29/06/2023 - Alex Lora livre un premier long-métrage intéressant qui formule un propos assez pertinent sur le vide et la précarité des relations humaines

Au lit, après le sexe, une jeune femme attirante photographie sur son portable une des ses amantes pour publier ensuite les images sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que commence Unicornios [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], le premier long-métrage du réalisateur catalan Alex Lora, co-écrit avec Pilar Palomero, Maria Mínguez et Marta Vivet, interprété par Greta Fernández, présenté en compétition à la dernière édition du Festival de Malaga et au Festival D'A de Barcelone, parmi les séances spéciales. Le film vient de sortir en Espagne (ce 30 juin), distribué par Filmax.

La jeune femme attirante en question est Isa (une formidable Greta Fernandez), une aspirante-photographe qui travaille, en attendant de terminer sa thèse, comme créatrice de contenus dans une agence de publicité. Elle semble très sûre d’elle-même et de ses idées féministes et polyamoureuses, mais ses doutes et contradictions se mettent à affleurer quand son petit ami lui propose de devenir un couple monogame, car elle n’est pas sûre de vouloir changer de vie. Cette relation, qu’elle croyait si spéciale, prend une autre tournure, et Isa semble entrer dans un cycle de fêtes sans fin, de postures de façade, de drogues, de relations fugaces et de décisions jamais prises. Voilà l’histoire que raconte le film et son incipit en dit déjà long sur ce qui suivra. Apparences, insécurités déguisées en convictions, vides, désirs jamais exaucés, frustrations, peur de s'engager, précarité des liens humains (d'une partie d'entre eux, plus précisément), relations familiales compliquées, poids de l’hérédité, présence des réseaux sociaux dans le monde aujourd’hui, perte de l’intimité, manières de s'évader de la vie qu’on a mais qu'on ne veut pas.

Au fond, Unicornios est un film sur les relations, sur le besoin d'aimer et d’être aimé, sur la difficulté de tout cela. La manière dont ces relations sont abordées est intéressante : on les voit à partir de leurs natures contradictoires et de leurs zones d'ombres, de ce qu'elles prétendent être et qu'elles cachent, loin de tout jugement moral. Elles sont assez complexes, le film transmet leur côté émouvant et aussi leur superficialité, l’émotion et la résignation, une certaine attirance et le fond de tristesse qu'elles laissent. L'interprétation de Greta Fernandez est également crédible (surtout dans la relation mère-fille de son personnage avec celui de Nora Navas) : son regard, ses gestes et ses expressions en disent souvent beaucoup plus que ses paroles et que ses actes. Et il y a des moments, dans le film, qui parviennent à avoir une certaine force et une certaine tension.

La grande faiblesse du film est précisément un de ses thèmes centraux : la superficialité. L’esthétique et la mise en scène ont un certain charme, mais il y a des moments où ce qu’ils cachent en réalité, c’est le néant. On a ici des séquences qui finissent par perdre tout intérêt et se muent en des vidéo-clips très modernes, mais qui ont peu à dire. Des situations nous sont présentées qui, pour essayer d’être innovantes et surprenantes (enfin, je ne sais pas trop ce qu'elles essaient de faire, à vrai dire), finissent par paraître peu plausibles et plaquées (les interprétations de certains des personnages n'aident pas non plus). La manière dont une partie de l'univers émotionnel de l’héroïne est raconté est intéressante, mais dans d’autres cas, le projet n'est tout simplement pas abouti.

Unicornios est un film irrégulier, qui n’arrive pas à faire tout ce qu’il se propose de faire, mais contient quelques choix réussis. Le principal est l'audace avec laquelle il aborde l’intimité de l’héroïne (avec naturel, sans intention de juger ou de formuler quelque message que ce soit). Ainsi, ce long-métrage parvient tout de même à être un film séduisant, avec une certaine vérité. 

Unicornios a été produit par Inicia Films, Jaibo Films et TV3. Les ventes internationales du film sont assurées par Filmax.

(Traduit de l'espagnol)