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KARLOVY VARY 2023 Proxima

Critique : Les Enfants perdus

par 

- Dans son premier long-métrage de fiction, la Belge Michèle Jacob trouve une manière originale d'illustrer les effets durables qu'a un traumatisme subi dans l'enfance

Critique : Les Enfants perdus
Iris Mirzabekiantz dans Les Enfants perdus

Quatre enfants seuls dans une grande maison cernée par une épaisse forêt qui ne veut pas les laisser passer, où des monstres semblent rôder et où un terrier sombre fait perdre à tous ceux qui regardent à l'intérieur des heures en une seconde... Les Enfants perdus [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Michèle Jacob
fiche film
]
, le premier long-métrage de fiction de la Belge Michèle Jacob, peut faire l’effet d'un sombre conte de fées, d’une histoire délicieusement gothique située dans un monde plus magique que le nôtre. Au lieu de cela, ce film, qui vient de faire sa première dans la section compétitive Proxima du Festival de Karlovy Vary, crée ses propres règles et son atmosphère, une combinaison de réalisme et d'horreur qui part de peurs infantiles glaçantes et d'angoisses paralysantes, et non d'idées imaginaires allégoriques et éloignées du réel.

En se réveillant dans leur grande maison de campagne, Audrey (Iris Mirzabekiantz) et ses frères et sœurs se rendent compte que le père est parti, sans donner aucune indication sur l'heure de son retour. Les enfants ne s’en inquiètent pas et décident de jouer à cache-cache. Accroupie dans le couloir, Audrey sursaute en entendant une voix étouffée d’enfant qui vient de derrière un mur. La partie est fichue. Le petit Gilles (Louis Litt Magis) roule des yeux devant sa réaction de "poule mouillée" de sa soeur, et Alex (Liocha Mirzabekiantz), l'aînée, adopte immédiatement le rôle de responsable des autres qu'elle va continuer d'occuper pendant que les enfants se rendent compte, petit à petit, que leur père ne reviendra pas. Jacob, qui est également l’auteure du scénario de film, dévoile joliment les différentes personnalités des enfants tandis qu’ils interagissent entre eux et réagissent à leur nouvelle situation. Il semble au début qu'Audrey soit la seule qui soit destinée à voir des phénomènes surnaturels inexpliqués, mais dans un développement effrayant, les autres aussi se mettent à en être témoins. Alex et Gilles constatent vite qu’il n'y a aucun moyen de quitter la forêt. Yannick (Lohen Van Houtte), plus réservé, reste tout à fait impassible, mais son carnet révèle ensuite qu’il a vu les mêmes choses que sa sœur jumelle Audrey.

Ces enfants, décrits non pas comme les petits adultes des films hollywoodiens, ni non plus comme les personnages naïfs et inconscients des films plus conventionnels et commerciaux, sont quelque part entre les deux : ce sont des adultes en fabrication. Le spectre de la condition d'adulte qui plane au-dessus d'eux est souligné par le fait qu’ils doivent s’occuper seuls d'eux-mêmes : ils rationnent leurs vivres, s'amusent entre eux et s'occupent les uns des autres, puis finissent par décider de réagir aux événements inexpliqués qui les affectent tous, et ce de plus en plus fréquemment. La condition d'adulte, telle qu'ils sont forcés d'en faire l'expérience, renvoie à l'idée de responsabilité, mais aussi à celle d'affronter ses peurs : de scène et scène, on voit les enfants essayer d’être courageux quand ils sont confrontés à une vision dérangeante et si les premières fois, ils ferment les yeux très fort et se bouchent les oreilles, plus tard, ils cessent de se cacher et font face à cet étrange mystère qui ne cesse de les narguer.

L'absence structurante des deux parents ne fait qu'accentuer le tableau de la condition d'adulte comme un horrible fardeau nimbé de mystère. C’est une histoire tout à fait intrigante que Jacob propose là, et elle construit bien son scénario, sans jamais perdre l'intérêt du spectateur à mesure qu'on se rapproche d'une explication sur ce qui se passe réellement ici. Le film est-il une représentation allégorique de la manière dont les enfants héritent des traumatismes de leurs parents ? D’une certaine manière, mais pas seulement : cette partie-là du mystère n'est que la plus facile à deviner. L’explication complète s'appuie sur une touche de science-fiction, mais heureusement, Jacob reste simple, pour ne pas distraire du côté émotionnellement direct de toute l’entreprise. Ce qui gâche légèrement l'ensemble est la fin, car certaines des scènes finales répètent inutilement le même argument longtemps après que les implications de la situation soient devenues claires. Cela dit, Les Enfants perdus reste un travail globalement réussi et inventif qui évoque l’impuissance et la terreur qu’on ressent dans les moments de transition qui surviennent pendant l’enfance.

Les Enfants perdus a été produit par la société belge Velvet Films.

(Traduit de l'anglais)

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