Critique : Double Blind
par Giorgia Del Don
- Ce premier long-métrage par l'Irlandais Ian Hunt-Duffy est un angoissant huis clos teinté de rouge sang qui exhale une forte odeur de désinfectant

Double Blind, qui a fait sa première mondiale au Neuchâtel International Fantastic Film Festival dans la section Ultra Movies, dédiée aux oeuvres les plus audacieuses du genre fantastique, parvient à maintenir un niveau de tension élevé sans abuser des effets spéciaux, obligeant le spectateur à se confronter, de manière directe et terriblement géniale, à ses angoisses. En tourmentant sadiquement tant les claustrophobes que les narcoleptiques, ce premier long-métrage de l'Irlandais Ian Hunt-Duffy, écrit par Darach McGarrigle, réveille chez le spectateur des peurs qu’il pensait avoir laissées derrière lui dès la fin de la pandémie de Covid.
Ian Hunt-Duffy, depuis toujours intéressé par le cinéma de genre, celui qui rive le spectateur à son siège, sait bien que la recette, pour un film d’horreur réussi, c'est l'équilibre entre tension et contemplation, attirance et répulsion, dégoût et beauté. Double Blind arrive à maintenir le spectateur dans un état de tension constante en distillant régulièrement, comme les cachets qu'avalent les personnages, des moments de pure horreur où le sang jaillit profusément, comme s'il bouillait de l'intérieur.
Comme le suggère le titre (qui se réfère aux expériences scientifiques en "double aveugle", où non seulement les sujets examinés, mais aussi les experts qui mènent les tests, ignorent les informations fondamentales de la recherche), l'action du film se déroule dans un laboratoire où est en cours une recherche scientifique dont le traitement comme les effets attendus ne sont connus d'aucun des présents. Des sept "cobayes" humains qui apparaissent dans le film, nous ne savons absolument rien, hormis ce qui transpire de leurs rares conversations. À mesure que le temps passe, on compris toutefois que ce qui les rapproche est un manque de liens sociaux ainsi qu'une précarité financière prononcée et un malaise d'ensemble qu'on sent chez tous. D'emblée, l’ambiance est aseptisée et le climat général glacial, mais rien ne laisse réellement pressentir ce qui va se passer entre les quatre murs stériles et blancs du laboratoire.
La personne qui nous guide à travers la mystérieuse étude scientifique, pilotée par une chercheuse rigide (interprétée par Pollyanna McIntosh) qui n'est pas sans rappeler les enseignantes dans Suspiria de Dario Argento, c'est Claire (incarnée par la fantomatique et intrigante Millie Brady), une jeune fille au passé tourmenté qui ne peut même pas se concéder le luxe d’avoir un toit sur la tête. Avec le passage des heures et l'augmentation exponentielle des doses des médicaments mystérieux que les participants doivent ingérer, peu à peu, on se rend compte que derrière l'austère laboratoire se cache une sordide vérité. Celle-ci fait soudain éruption à travers des litres d’hémoglobine giclant des orifices de la première participante, victime d'un mal inconnu. Ce n’est qu’après que le groupe (dont fait partie un étudiant en médecine interprété par Akshay Kumar) se retrouve emprisonné entre les murs extrêmement épais des locaux que leur triste destin devient clair : quinconque s'endormira mourra.
Incapables de distinguer le bien du mal, la réalité de leurs visions terrifiantes, les personnages de Double Blind font l'expérience de ce que signifie ne plus pouvoir s’évader dans les bras de Morphée et se détacher, ne serait-ce que quelques instants, de l’oppression d'un quotidien qui n’est pas toujours rose. La musique à la fois sophistiquée et inquiétante de Die Hexen participe à la construction de l'atmosphère suffocante et vénéneuse dans lequel baigne tout le film.
Double Blind a été produit par Failsafe Films.
(Traduit de l'italien)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.