PRODUCTION / FINANCEMENT France
Le géant de la haute couture Saint Laurent lance une branche production de longs-métrages
par David Katz
- Avec des travaux par Pedro Almodóvar, Paolo Sorrentino et David Cronenberg en prévision, l'enseigne de luxe française fait son entrée dans le secteur du cinéma

Dans la parade des logos de coproducteurs qui défilent au début de chaque film de festival, préparez-vous à voir un nouveau venu, "Saint Laurent Productions", dont le design sera probablement iconique. Anthony Vaccarello, directeur artistique de la maison Saint Laurent, a pris la tête de la nouvelle branche production de films de la marque, qui appartient à Kering. Il s'agit de la première société de production de films rattachée à une enseigne de haute couture. Au dernier Festival de Cannes, en mai, les deux premiers courts-métrages de la société, Strange Way of Life de Pedro Almódovar (lire l'article) et le travail posthume Film annonce du film qui n'existera jamais : "Drôles de Guerres" de Jean-Luc Godard, ont fait leur première mondiale. Ils seront suivis par Les Linceuls [+lire aussi :
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fiche film] de David Cronenberg et Parthénope [+lire aussi :
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fiche film] de Paolo Sorrentino, deux films annoncés pour l’année prochaine qui suscitent beaucoup d'impatience. Si Saint Laurent a une relation de longue date avec le cinéma (son fondateur, Yves Saint Laurent, a créé des costumes pour des films réalisés dans les années 1960 par Luis Buñuel et François Truffaut), c’est la première fois que l'enseigne se mêle de production à proprement parler. Vaccarello lui-même s'occupera des costumes des films.
Saint Laurent, qui a précédemment financé le moyen-métrage peu tendre pour les yeux Lux Æterna de Gaspar Noé et un court réalisé par Jim Jarmusch pendant la pandémie dont on a moins parlé, intitulé French Water, va épauler les prochains longs des deux cinéastes, en préparation. Dans l'ensemble, la marque a un penchant pour les collaborations avec des cinéastes chevronnés : Wong Kar-Wai et Abel Ferrara sont également sur la liste. La Passion selon Béatrice [+lire aussi :
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fiche film], du Belge Fabrice du Welz, a été soumis aux programmateurs de la Mostra de Venise. Ce projet est un hommage à Pier Paolo Pasolini, avec Ferrara et Béatrice Dalle.
Dans une interview avec la "bible" de la mode Women’s Wear Daily, Vaccarello parle passionnément de cette nouvelle entreprise : "Pour moi, un film est quelque chose qu’on peut voir dix, vingt ou trente ans après s’il est bon. En termes de communication, faire un film a plus d'impact sur les gens qu'une collection. Je suis très excité d’étendre cette créativité vers quelque chose de plus vaste et populaire... C'est une nouvelle approche qui fera peut-être venir d’autres clients vers Saint Laurent". Il dit aussi que les réalisateurs choisis sont des cinéastes qui l'ont "modelé et inspiré au fil des années", et qu'ils ont en commun "une veine sous-jacente sombre" ainsi qu'une tendance à "faire polémique, dans le bon sens du terme".
À un moment où les sociétés technologiques et à présent les marques (on pense qu film Barbie) consolident les financements de film et contribuent ainsi à un boum de la production de contenus audiovisuels, il semble naturel que le monde de la mode leur ait emboîté le pas. Pour citer d’autres exemples, Andrew Lauren de Ralph Lauren a sa société de production, qui a soutenu les derniers travaux de Claire Denis et Brady Corbet. Aux Giornate degli Autori de Venise, Miu Miu, la marque subsidiaire de Prada, présente depuis quelques années des courts-métrages par des réalisatrices actuelles importantes, comme Kaouther Ben Hania et Carla Simón, et l'initiative va continuer avec la Mexicaine Lila Avilés, dont le film Tótem [+lire aussi :
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fiche film] a été encensé à la dernière Berlinale. La série Irma Vep [+lire aussi :
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fiche série] d'Olivier Assayas, peu vue mais perspicace, contient une sous-intrigue satirique sur la participation d'une enseigne de la mode française au financement de films et ses effets sur la culture people – une idée assez autobiographique pour le réalisateur, puisque Chanel a soutenu ses films Sils Maria [+lire aussi :
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(Traduit de l'anglais)
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