01/08/2023 - Alisa Kovalenko propose dans son nouveau documentaire un parcours chargé en émotions à travers les vies de plusieurs jeunes Ukrainiens avant qu'elles ne soient complètement bouleversées

Après sa première mondiale à la Berlinale en début d’année, et sa projection dans la section Gex Doc du Giffoni Film Festival, le documentaire d’apprentissage d’Alisa Kovalenko, intitulé We Will Not Fade Away [+lire aussi :
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Le film, qui se passe principalement dans la région de Luhansk couvre environ trois ans de la vie d’un groupe de cinq adolescents (Andriy, Liza, Lera, Ruslan et Illia) jusqu’à très peu de temps avant le début de l’invasion du pays par la Russie en février 2022. Tout au long du film, on sent que la perspective d’une invasion russe est dans l’air et le son des coups de feu, de temps en temps, nous rappelle que cette menace est imminente.

En dépit de cela, les cinq jeunes essaient de mordre la vie à pleines dents, et de poursuivre leurs rêves et aspirations comme n’importe quel jeune de leur âge. Par exemple, ils fantasment sur l'idée de devenir acteurs, magnats des affaires ou peintres, de voir le monde, d’être libres et de vivre des aventures. Kovalenko nous embarque dans un voyage chargé d'émotion qui commence à un rythme assez lent. Au début, et sur environ deux tiers du film, on peut avoir l’impression de n’être que des observateurs en train de jeter un coup d'œil sur leurs existences et de se voir fournir un instantané de la rudesse que représente (ou plutôt que représentait), pour des adolescents, la vie sur la ligne de front.

Sauf que ceci ferait du documentaire de Kovalenko une étude observationnelle intéressante avec des personnages captivants, mais sans plus, or le spectateur patient finit par découvrir dans ce film beaucoup plus de choses à vivre et ressentir. Le tournant principal du long-métrage (qui arrive peut-être un peu tard, mais nous surprend bel et bien) est la perspective, pour les cinq jeunes, de participer à un incroyable voyage dans l’Himalaya. Leur expédition de rêve va devenir réalité grâce aux efforts de Valentin Sherbachov, un aventurier ukrainien.

Dans l’ensemble, le choix de toujours laisser la guerre au second plan est efficace et payant : cela nous permet de nous concentrer sur nos personnages, et sur ce qu’ils disent et ressentent par rapport à leur avenir. Dans une scène, par exemple, un des garçons dit à son frère que le village où ils vivent, et la ville d’à côté, auront probablement disparu dans 50 ans. Cela indique, délicatement, avec quel sentiment de fatalité ces jeunes gens devaient cohabiter, et tragiquement, le cauchemar de ce garçon est devenu réalité beaucoup plus tôt qu’il ne le pensait.

Sur le plan esthétique, le film a deux points forts. Le premier est sa photographie superbe, résultat du travail de Kovalenko et Serhiy Stetsenko. Sa beauté frappante est évidente, surtout dans les plans nocturnes qui précèdent l'arrivée des jeunes au camp Annapurna, et ceux où on les voit contempler le soleil levant après qu’ils aient de grimper. Le deuxième élément qu’il faut mentionner est la bande originale, composée de chansons d’artistes peu connus mais talentueux, comme Wojciech Frycz, ainsi que de groupes plus populaires, comme Blink-182 et Radiohead.

Enfin, la séquence finale du film de Kovalenko est une des plus belles et touchantes qu’on ait vues depuis des années. À travers des choix de montage magistraux et la juxtaposition aux images d'un morceau particulièrement bouleversant, on découvre ce qu'il est arrivé à chacun des cinq personnages. On en vient aussi à se demander : et si ce jeune garçon ou cette fille, c'était moi ?

We Will Not Fade Away a été produit par Trueman Production (Ukraine) en coproduction avec Haka Films (Pologne), East Road Films (France), ARTE G.E.I.E. - La Lucarne (France), Telewizja Polska S.A. (Pologne) et Current Time TV (États-Unis).

(Traduit de l'anglais)