04/08/2023 - Dans son troisième long-métrage, Frédéric Mermoud nous montre les coulisses d'une école élitiste où la rigueur se transforme en obsession

Le réalisateur suisse Frédéric Mermoud, déjà présent au Festival de Locarno avec ses deux premiers longs-métrages, Complices [+lire aussi :
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fiche film], qui relate l'épopée à la fois cruelle et touchante d'un personnage qui cherche désespérément à donner un sens à une vie qu'elle subit de manière trop passive. La Voie royale nous permet d’entrer dans l’intimité d’une école élitiste où renoncer à son humanité semble la seule façon de réussir.

Sophie est une élève brillante, un esprit raffiné qui n’a pas conscience de son potentiel. Son quotidien est rythmé par la vie dans la ferme de ses parents agriculteurs, qui cherchent comme beaucoup d'autres à survivre à la voracité de l'impitoyable industrie agroalimentaire, et par ses cours au lycée du village. Poussée et soutenue par son professeur de mathématiques, Sophie abandonne la rassurante ferme familiale pour intégrer une prestigieuse classe prépa scientifique à Lyon, un milieu qui lui est totalement étranger dans lequel les étudiants (et les rares étudiantes) rêvent de devenir la future élite du pays. Sa nouvelle vie est marquée par des rencontres décisives, mais aussi par des échecs qui vont la consumer comme un feu de forêt. La concurrence est féroce et la course à la réussite sans merci.

Bien que sa passion pour les mathématiques et la physique ne la quitte jamais, Sophie (Suzanne Jouannet) se rend compte que rien n’est jamais définitif et que les victoires passées peuvent se transformer en un éclair en des souvenirs déjà lointains. Déterminée à atteindre son objectif, celui d’intégrer la prestigieuse École polytechnique, la jeune héroïne se transforme en une machine de guerre prête à tout pour se hisser sur la plus haute marche du podium. Se battre et subir d'innombrables humiliations de la part de professeurs résolument anti-steineriens ou renoncer à ses désirs profonds deviennent la clef du succès pour intégrer une élite dont l'ambition est de dominer le monde.

Mais qu’est-ce qui se cache derrière cette machine perverse qui veut transformer les êtres humains en des ordinateurs vivants ? Quoique sa professeure de physique (Maud Wyler) révèle parfois par éclats une personnalité plus complexe que celle qu’elle laisse filtrer, les adultes dans l'ensemble paraissent dépourvus de toute empathie. Livrée à elle-même après que son amie et binôme (Marie Colomb) ait décidé d’abandonner la carrière scientifique pour se diriger vers des études de théâtre qui la passionnent plus que tout, Sophie est confrontées à ses frustrations et des doutes existentiels qu’elle n’arrive plus à contrôler.

Pris en sandwich entre deux mondes, l'univers famiial dominé par la précarité et les luttes sociales d'une part, et celui de la classe prépa dont les difficultés financières n'effleurent même pas de loin la porte d'entrée, l’héroïne de La Voie royale doit trouver son chemin. Décidée à atteindre ses objectifs tout en restant consciente de la situation précaire de ses parents, Sophie se rend compte que sa lutte doit trouver un sens.

Dans La Voie royale, Frédéric Mermoud montre le revers de la médaille d’une société dans laquelle l’excellence devient le moteur de tout, une société dominée par des familles nanties qui imposent leurs règles sans se soucier des autres. Est-il encore possible de parler de méritocratie quand le pouvoir semble exclusivement réservé à une élite ? Sans transformer Sophie en victime d'un système social injuste, Mermoud dépeint la lutte effrénée qu'elle a décidé d’aborder de front pour atteindre les plus hautes sphères du pouvoir. Malgré un sentiment indéniable d’infériorité et le masque d’imposteur qu’elle porte quotidiennement pour se protéger du monde, Sophie ne se rend pas, parce qu'elle sait, en elle-même, qu’elle pourra faire la différence.

La Voie royale a été produit par Tabo Tabo Films, Bande à part Films et RTS Radio Télévision Suisse. Les ventes internationales du film sont assurées par Pyramide International.