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LOCARNO 2023 Cineasti del presente

Critique : Rapture

par 

- Le réalisateur indien Dominic Sangma explore dans son deuxième long-métrage la peur et les tensions sociétales

Critique : Rapture
Torikhu A. Sangma (centre) dans Rapture

"Soit c’est la nuit, soit on n'a pas besoin de lumière", lit-on au début de Rapture [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Dominic Sangma
fiche film
]
, le deuxième long-métrage du réalisateur indien Dominic Sangma. En effet, l’obscurité de la nuit enveloppe la prémisse centrale du film : tout est non seulement possible, mais permis, une fois que les lumières sont éteintes. Cette coproduction d'un genre rare, réunissant l’Inde, la Chine et la Suisse, a fait sa première dans la compétition Cineasti del Presente de Locarno, qui met en avant des talents émergents des quatre coins du monde. Sangma a eu du succès avec son premier film, MA.AMA (2018), dans le circuit des festivals, mais sa présence à Locarno en fait d'ores et déjà une découverte sur la scène du cinéma d’auteur européenne. Le réalisateur, porté aux belles compositions et aux scènes contemplatives, observe la vie dans son déroulement tranquille dans le village où il a grandi. Le voilà qui fictionnalise de nouveau des histoires qui l'ont hanté à l'époque, quand il était petit, à travers le regard de Kasan (Torikhu A. Sangma), dix ans, dont la cécité nocturne ne l’empêche pas d’être témoin des redoutables complexités de la vie adulte.

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Rapture, qui est deuxième partie de la trilogie thématique du réalisateur sur la vie de village, a été tourné dans l'état (largement chrétien) du Meghalaya, au nord-est de l’Inde, et l’intimité personnelle dont Sangma rend compte est rendue palpable à travers les images évocatrices tournées par le chef opérateur Tojo Xavier : ses longues prises statiques confèrent aux paysages comme aux gens la même splendeur. Xavier utilise à une profondeur de champ importante pour donner au village un air familier qui correspond parfaitement avec la tension sociale chargée. Au début, les villageois cherchent à attraper une espèce de cigale très rare qui apparaît la nuit tous les deux ans. Même la nuit, la présence délicate de la caméra guide le chemin, épaississant le mystère inexplicable de l’intrigue : un jeune homme nommé Mangkungchi a disparu sans laisser de traces.

Tandis que les villageois essaient de découvrir ce qui (ou qui) a causé cette disparition, le pasteur (Celestine K. Sangma) annonce l’arrivée d’une statue miraculeuse de la vierge Marie qui bénit tous tous les foyers chrétiens. Cependant, cette bonne nouvelle a un prix : une obscurité menaçante qui va durer 80 jours. Les ténèbres sont l'ennemi : de plus en plus de choses disparaissent tandis que la peur, d'abord abstraite, se met à prendre forme. Des rumeurs se mettent à couver : on parle d'êtres inconnus, de kidnappeurs dont l’objectif serait de fournir l’hôpital local des organes pour des greffes. La colère, la frustration et le soupçon s'insinuent partout et s'emparent des villageois. Pendant ce temps, Kasan est assez curieux pour rôder, malgré sa cécité nocturne.

Il est rare pour le public européen d’avoir la possibilité de découvrir un film tourné en garo qui flirte avec le genre du thriller social, tout en livrant un message humaniste contre la peur et les préjugés face à l’Autre. Rapture est un exemple de ce type de film qui saisit les contradictions subtiles qui guident la nature humaine et la société comme structure. Il y a toujours un choix : se servir des ténèbres comme excuse, ou les accepter afin de faire de la place pour la lumière.

Rapture a été produit par Anna Films (Inde) en coproduction avec Joicy Studio et Uncombed Buddha (Chine), Visions Sud Est (Suisse), le Fonds Hubert Bals du Festival international du film de Rotterdam et le Doha Film Institute.

(Traduit de l'anglais)

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