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ANGOULÊME 2023

Critique : Anti-Squat

par 

- S’adapter ? Tout accepter ? Se révolter ? Nicolas Silhol s’immerge de nouveau dans les recoins sombres du capitalisme moderne avec une femme confrontée à des choix moralement difficiles

Critique : Anti-Squat
Louise Bourgoin dans Anti-Squat

"Il faut frapper fort. Ça fait partie du job. Si tu n’es pas capable de les virer, c’est toi que je ne vais pas garder." Après avoir ausculté les dérives cyniques du "lean management" dans le saisissant Corporate [+lire aussi :
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en 2017, c’est une stratégie tout aussi perverse de lutte contre les occupations abusives de logements que Nicolas Silhol décrypte, une nouvelle fois à travers les cruels dilemmes d’une protagoniste féminine, dans son second long métrage, Anti-Squat [+lire aussi :
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, dévoilé en première mondiale au 16e Festival du Film Francophone d'Angoulême, en amont de sa sortie dans les salles françaises le 6 septembre par Diaphana. En résulte un tableau clinique d’une société contemporaine où le détournement des idées à des fins de profit joue sans vergogne sur la précarité croissante ambiante, plaçant les individus dans des impasses inextricables en termes de simple moralité.

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À 35 ans, Inès (Louise Bourgoin) n’a guère le choix : agent immobilier à la recherche d’un emploi, elle élève seule son fils adolescent Adam (Samy Belkessa) et doit retrouver rapidement un logement car son propriétaire veut vendre celui qu’elle occupe. Mais pour cela, il faut un travail et un contrat à durée indéterminée. Elle accepte donc une proposition de deux mois à l’essai chez Anti-Squat, une société développant en France une expérimentation (pérennisée dans l’Hexagone par une loi votée en juin dernier) née aux Pays-Bas : pour contrecarrer les squats de bâtiments vides, on y installe des résidents provisoires, à des tarifs hyper attractifs, mais qui n’ont pas les droits accordés habituellement aux locataires et qui sont encadrés par un règlement très strict : pas plus de deux invités, pas de fêtes, pas d’animaux, pas d’enfants, interdiction de manger dans les chambres et de fermer les portes, etc.

Laissant son fils collégien seul à Paris, Inès s’installe donc en grande banlieue, au cœur d’un vaste immeuble d’entreprise déserté, recrute les résidents (une infirmière, un enseignant, un chauffeur de VTC, une comédienne, un ouvrier homme à tout faire, etc.) et surveille les lieux (y compris via des caméras), tentant de s’adapter à son poste et de faire respecter des règles dont elle a évidemment bien conscience qu’elles manquent d’humanité. Le tout sous le jugement critique de son rappeur de fils et sous la pression d’une hiérarchie elle-même sous contrainte financière. Plus le temps passe, plus les dilemmes d’Inès grandissent. Faut-il se révolter ? Mais comment faire sans annihiler ses perspectives d’avenir et celles de son fils ?

Porté par un personnage principal que les circonstances placent à la lisière de l’antipathique, Anti-Squat dépeint avec une grande justesse un climat social et économique implacable avec toutes les conséquences sur le lien humain qui en découlent, notamment en matière d’éducation des enfants à qui l’on enseigne des valeurs qu’ils nous voient bafouer au quotidien. La froideur de la mise en scène et des décors (quasi dystopiques) est parfaitement au diapason de la tonalité d’un film très instructif et relativement sans concessions qui s’inscrit avec les honneurs dans la tradition d’un cinéma social de dénonciation passé au prisme de l’individu moralement écartelé.

Produit par Kazak Productions, Anti-Squat est vendu à l’international par Best Friend Forever.

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