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VENISE 2023 Hors-compétition

Critique : Hollywoodgate

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- VENISE 2023 : Ibrahim Nash’at nous permet d'observer la première année du nouveau régime taliban en Afghanistan après le retrait des États-Unis, mais il ne permet pas de tout mettre en lumière

Critique : Hollywoodgate

On a dit que le journalisme était la première ébauche de l’histoire. Un bon film, et en particulier un bon documentaire, peut être la première exposition et la première immersion du spectateur au cœur de cette histoire, qu’il peut potentiellement légèrement modifier. Ces questions sont primordiales lorsqu’il s’agit de Hollywoodgate [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
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. Le film offre en effet un accès extraordinaire à l’une des insurrections les plus inquiétantes du Moyen-Orient, à savoir le retour au pouvoir des Talibans en Afghanistan, qui représente également l’événement de politique étrangère le plus sensible de la carrière présidentielle de Joe Biden à ce jour. D’abord présenté en avant-première hors compétition à la Mostra de Venise, avant de participer au festival Telluride, le documentaire, court, voire peut-être incomplet, d’Ibrahim Nash’at, est un témoignage fiable. Or, ce qu’il évoque plus largement dérange.

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Ancien journaliste vedette de Deutsche Welle et Al Jazeera, Nash’at a réussi à obtenir, par l'intermédiaire d'un de leurs "médiateurs" et d'un traducteur, des hauts dignitaires talibans, l’autorisation de suivre deux responsables de leur armée, une fois la situation rétablie autour de la création de leur nouvel État, à savoir l'Émirat islamique d'Afghanistan, en septembre 2021. Les responsables en question sont Malawi Mansour, nouvellement nommé commandant de l’armée de l’air et M J Mukhtar, présenté à l'écran comme un lieutenant, mais qui semble plutôt être un simple soldat, dont les principales fonctions consistent à superviser la transition de l’insurrection militaire talibane à un régime militaire à part entière. Donnant son titre et en partie son esprit au film, le Hollywoodgate désigne en fait une base américaine désertée, supposée être une ancienne base secrète de la CIA, où les anciens occupants sont partis en laissant pas moins de 7 milliards de dollars de matériel militaire. Le film de Nash'at s’inquiète grandement en pensant à l’utilisation potentielle de ce matériel, une fois les divers hélicoptères Black Hawk et chasseurs à réaction endommagés réparés.

La narration et l'explication sont réduites au minimum. Reste l'observation, à la fois intentionnelle et pragmatique. Nash’at, aux côtés des monteurs Atanas Georgeiev et Marion Tuor, choisit des cas en prenant en compte de l'ironie dramatique, voire de l’humour noir. Un travelling nous montre effectivement des chefs talibans et des soldats en tenue, déambulant seuls au milieu des terrains de basketball couverts et de toute une collection d’objets de la culture populaire comme les verres à bière Dallas Cowboys. Un homme enturbanné se tient prudemment debout sur un appareil de cardio-training et lance à la caméra : "cela peut me faire perdre du ventre !" La gratitude et la crainte par des personnages de Nash'at hors caméra est un autre détail révélateur, lorsqu’ils se rendent peut-être compte du potentiel pouvoir de propagande du film, ou de l’étendue de la censure qu’ils peuvent encore imposer. Un des personnages à l’écran explique à un autre qu’un documentaire est "comme un film avec de vraies gens". Un autre s’inquiète : "J'espère qu'il ne nous ridiculisera pas devant la Chine".

Ceux qui raffolent d'informations récentes sur l'actualité (allant jusqu'aux représailles des États-Unis après les événements du 11 septembre) jugeront Hollywoodgate décevant, tant les révélations sont maigres. Le choix de certaines séquences semble presque incontournable. Nous retournons par exemple dans les grottes du désert où les insurgés s’étaient déjà cachés par le passé pour être sûrs, comme le dit l'un d'entre eux, que "les Juifs n’ont pas pu nous trouver". Le recul dangereux des droits des femmes n’est abordé que dans le dernier tiers du film, et uniquement par le biais d'un commentaire indirect des personnages. Le contraire serait allé à l'encontre de philosophie d'observation de ce film. Mais Hollywoodgate aurait semblé plus abouti avec une meilleure couverture du reste du pays, voire une voix off plus explicite que celle que Nash'at offre au début et à la fin du film, en plus de la mise en avant d’autres éléments.

Hollywoodgate est une coproduction germano-américaine de Rolling Narratives, Jouzour Film Production, Cottage M et RaeFilm Studios. Les ventes à l’étranger ont été confiées à United Talent Agency and Cinephil.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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