VENISE 2023 Semaine internationale de la critique
Critique : Life Is Not a Competition, But I’m Winning
par David Katz
- VENISE 2023 : Le premier long-métrage de Julia Fuhr Mann est un film-essai expérimental et polémique sur le fait d'être queer et les corps qui divergent de la norme dans le monde de l'athlétisme

Julia Fuhr Mann parvient à déconstruire le langage cinématographique classique dans Life Is Not a Competition, But I’m Winning [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Julia Fuhr Mann
fiche film], un film particulier à l’heure où les théories de Laura Mulvey, relatives au regard du public, sont plus que jamais au cœur des débats, quoique souvent mal interprétées. En utilisant le modèle très en vogue de l’essai cinématographique, la jeune réalisatrice allemande examine l’homosexualité, la fluidité de genre et les attaques que ces orientations subissent, à travers le prisme nouveau des compétitions de sports d’athlétisme. Et lorsque sa maîtrise également impressionnante du son et de la composition rencontre la polémique, le résultat est explosif. Mais, au fur et à mesure que le film avance, d'autres aspects peinent à convaincre. Il s’agit ici de l’un des premiers films à être présenté en avant-première dans le cadre de la Semaine internationale de la critique à la Mostra de Venise.
Dans le film, finement tourné au format écran large au milieu de l'architecture impressionnante des lieux et aux nombreux filtres lumineux couleur citron, Fuhr Mann s’intéresse à un collectif d’athlètes queer, dont elle ne précise pas volontairement qu’il s’agit d’acteurs non professionnels, qu’elle ne présente pas sous leur véritable identité, et auxquels elle donne peu de répliques. Il y a parmi d’autres, Caitlin Fisher, Daniel Marin Medina, Chun Mei Tan et Eva Maria Jost. Au lieu de cela, Fuhr Mann les utilise pour composer et sculpter son film. Regroupés de manière très ordonnée, face aux sièges pliables vides, ou intégrés numériquement à des images d'archives évoquant des erreurs historiques passées dans le sport international, ils forment un rempart contre les origines fascistes du stade olympique de Berlin. On pourrait les voir comme un avertissement, ou un groupe de nobles messagers du futur.
Dans le meilleur des cas, la teneur du film a l'aura profonde et charismatique d'une soutenance de recherche de troisième cycle, cette atmosphère de conférence, avec son pupitre et sa présentation PowerPoint. Avec une voix off qui rappelle d’une manière volontaire et sinistre le discours automatisé du logiciel de traitement de texte à qui on demande de "lire" son article, le film s’élève contre la discrimination très répandue dans les sports stéréotypés. La misogynie dans l’histoire, comme les exigences et les attentes en matière de standards de beauté féminine (des organisateurs de tournois aux médias), se mêle aux organisations sportives actuelles elles-mêmes insidieusement transphobes, organisations qui imposent un dangereux protocole de réduction de testostérone pour les athlètes féminines considérées comme ayant un avantage déloyal (il utilise d’ailleurs le cas de la sprinteuse du 800 mètres ougandaise Annet Negesa pour le démontrer, images originales tournées par Fuhr Mann à l’appui).
En guise de message principal, la réalisatrice présente un certain nombre de points provocants et bien exprimés et nous laisse comprendre par nous-mêmes les différentes implications. L’idée même que le sport est une arène à la fois symbolique et littérale dans laquelle les différences de genre sont contrôlées et imposées est pourtant là. "Il n’y a jamais eu de cadre solide. Les brèches et les vides sont révélés au grand jour," conclut la voix off. Si le style formel s’estompe au fur et à mesure que se poursuit l’argumentation de Fuhr, et qu’elle commence à s’appuyer sur le témoignage de ses participants, comme Negesa, mais également la coureuse transgenre Amanda Reiter, nous sommes indubitablement en présence d'un film qui prend le pouls du discours actuel. Un film qui arrive à point nommé au lendemain de l'affaire Luis Rubiales, qui a entaché la victoire de l'Espagne à la coupe du monde de football féminin.
Life Is Not a Competition, But I’m Winning est une production allemande de Schuldenberg Films, University of Television and Film Munich et ZDF. Les ventes à l’étranger ont été confiées à First Hand Films.
(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)
Galerie de photo 01/09/2023 : Venise 2023 - Life Is Not a Competition, But I’m Winning
10 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.



© 2023 Isabeau de Gennaro for Cineuropa - fadege.it
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