VENISE 2023 Giornate degli Autori
Critique : Backstage
par Vittoria Scarpa
- VENISE 2023 : Le couple Afef Ben Mahmoud-Khalil Benkirane recrée dans son premier long-métrage l'univers vibrant et chaotique des coulisses d'une troupe de danseurs en tournée
Pendant leurs longues tournées, les compagnies de danse sautent d’une scène à l’autre et ensemble, sur la route, ils mangent, couchent, rient, pleurent, se disputent, tombent amoureux : ils deviennent comme une famille. Afef Ben Mahmoud sait bien de quoi elle parle dans son premier long-métrage, co-réalisé avec son mari Khalil Benkirane, car elle a travaillé pendant de nombreuses années comme danseuse professionnelle. Et Backstage [+lire aussi :
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fiche film], en lice aux 20es Giornate degli Autori de la 80e Mostra de Venise, convoque justement cet univers vibrant et chaotique qu'est celui des coulisses d’une compagnie de danse, avec ses dynamiques et tensions souterraines que le public ne voit pas, mais qui sont présentes et qui ont le pouvoir de conditionner le travail de tous.
C'est ce qui se produit quand, pendant un spectacle, Aïda (interprétée par la réalisatrice elle-même), provoque Hedi (Sidi Larbi Cherkaoui), son compagnon à la ville comme à la scène, et que celui-ci, par dépit, la fait maladroitement tomber par terre, sous les regards incrédules des autres danseurs. The show must go on, évidemment, mais quand le rideau retombe, Aïda souffre et risque de ne pas pouvoir danser le lendemain soir à Marrakech, pour la grande dernière de cette formidable tournée. Impossible d’annuler le spectacle, de sorte que la compagnie décide de se mettre en route pour trouver un docteur. En chemin, hélas, un autre incident se produit : pour éviter un singe qui traverse la route, l'autocar dans lequel les danseurs voyagent fait une embardée qui cause une double crevaison de pneu, or il n'y a qu'une roue de secours. Le groupe décide alors de marcher vers le village le plus proche, traversant la forêt au clair de lune.
Ainsi commence un étrange road movie à travers la forêt de l’Atlas marocain, parmi les arbres et les animaux sauvages, le tout accompagné de quelques pas de danse. Au fil du trajet, on commence à mieux connaître les membres du groupe et les liens qui existent entre eux : leurs amours, leurs trahisons, leur mal du foyer, leurs deuils, leurs passions inavouables. La caméra se déplace d’un personnage à l’autre, capte les dialogues et danse littéralement avec eux, avec pour toile de fond constant les bruits de la nature (les feuilles qui craquent sous les pas, les cris d'animaux, le chant des oiseaux), le tout dans les lumières et les ombres d’une forêt qui semble enchantée, mais cache aussi maints dangers.
Au lever du soleil et au terme d’une nuit révélatrice, l'équilibre entre les personnages ne sera plus le même. On n'aura pas eu le temps de vraiment se passionner pour les histoires, à peine effleurées, de chacun d'eux (la troupe comprend les chorégraphes Sondos Belhassen et Hajiba Fahmy, le circassien Ali Thabet, les danseurs Sofiane Ouissi et Nassim Baddag, les acteurs Abdallah Badis et Saleh Bakri, ainsi que la designer Salima Abdel Wahab, dans un pot-pourri de nationalités qui va de la Palestine à l’Algérie en passant par la France, la Tunisie et le Maroc), mais les yeux se régalent des splendides séquences de danse, captivantes et très bien filmées. Un film collectif, très physique, qui oscille entre les feux de la rampe et l’obscurité des mondes intérieurs, où même les conflits les plus douloureux se résolvent avec humanité et une chaleureuse étreinte.
Backstage est un film maroco-tunisien produit par Lycia Productions et Mesanges Films, en coproduction avec Iota Production (Belgique), Les Films de l'Altaï (France), DUOfilm (Norvège), Metafora Production (Qatar) et Film Clinic (Arabie saoudite).
(Traduit de l'italien)
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