VENISE 2023 Semaine internationale de la critique
Critique : Vermines
par Elena Lazic
- VENISE 2023 : Ce premier long-métrage par Sébastien Vaniček est plus convaincant comme film de survie que comme allégorie sociale

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fiche film] de Sébastien Vaniček, présenté en clôture de la Semaine internationale de la critique de Venise, s'engouffre quant à lui directement dans le cinéma de genre : c'est film de survie au croisement entre action et épouvante.
Le récit commence toutefois loin du grand ensemble d'allure futuriste situé dans la banlieue de Paris, appelé les arènes de Picasso, où se déroule le plus gros de l’histoire. Le prologue – qui semble s'inspirer de la séquence d'ouverture de L’Exorciste de William Friedkin, dont personne semble ne se souvenir, où un prêtre déterre une statue de Pazuzu dans le désert du nord de l'Irak – montre un groupe d’hommes parmi des dunes de sable en train de capturer de grosses araignées, sauf que l'une d'elles s'échappe et mord l'un d'eux, ce qui a des conséquences désastreuses.
À partir de là, le film se déplace dans la cité sus-mentionnée, où le jeune Kaleb (Theo Christine) ajoute une de ces araignées à sa collection d'animaux exotiques et la baptise Rihanna. Kaleb est autrement un jeune de banlieue typique : il essaie même de gagner de l’argent en revendant des baskets de valeur. Le mélange inattendu d'imagerie liée à la banlieue (les baskets, les vêtements, la manière dont Kaleb et les autres gens qu'il croise se parlent entre eux) et de cette passion de niche, un peu geek, pour les créatures exotiques, pour être rafraîchissant, fait tout de même plus l’effet d’être un biais scénaristique commode qu'un trait de caractère crédible, et bien qu'on sache tout du long que l’araignée va bientôt s’échapper, cette maladresse fait que ce moment fatidique a moins d’impact qu'il n'aurait pu en avoir.
Kaleb met un certain temps à s'apercevoir que l’araignée a disparu, et à apprendre qu'elle est en fait dangereuse. Dans l'intervalle, on rencontre les différentes personnes qui font partie de sa vie, et qui donnent tous l'impression d'être davantage des porte-parole véhiculant certaines idées et certains sujets que de véritables êtres humains. Sa sœur Manon (Lisa Nykaro) veut vendre l’appartement dont ils viennent d'hériter, car ils n'ont pas les moyens de le faire rénover, mais Kaleb refuse d’abandonner cet endroit auquel il rattache tous ses souvenirs avec sa mère, faisant écho au dilemme d'une génération qui a grandi en banlieue mais sent une pression extérieure la poussant à la quitter. Lila (Sofia Lesaffre) est "officier municipal", c'est à dire une sorte de policière avec très peu de vrais pouvoirs, ce qui va bien sûr nourrir le commentaire sur la place de la police dans la banlieue que formule le film plus loin. En termes d'histoires sentimentales et autres aspects personnels, on retrouve le même type de gros coups de pinceau : Kaleb est notamment en conflit avec son meilleur ami d’enfance (Finnegan Oldfield), blanc, avec lequel il rêvait jadis d'ouvrir un zoo plein d'animaux exotiques.
Les surprises du film se trouvent ainsi non pas dans l’histoire elle-même, ou dans ses implications (les "vermines" du titre se réfèrent aux araignées qui se multiplient rapidement, mais aussi aux banlieusards dans le langage de certains politiciens de droite), mais dans les éléments qui en font un film de genre. Vaniček et son coscénariste Florent Bernard bâtissent un bon crescendo de terreur, à mesure que le groupe d'amis découvre progressivement l’étendue de l’invasion. L'immeuble ne tarde pas à se remplir de toiles d’araignées et les voisins, sympathiques ou pas, succombent un à un aux morsures mortelles des bestioles. L’équipe, très divisée, est forcée de s'unir pour survivre. Naturellement, tous n'auront pas cette chance, mais le film s'écarte des conventions dans son choix de survivants. Le directeur de la photographie Alexandre Jamin crée une atmosphère angoissante et des plans dynamiques qui communiquent bien le sentiment intense de panique et d’impuissance qui tenaille la bande d'amis, tant est si bien que les spectateurs à tendances arachnophobes pourraient bien avoir l'impression de sentir des petites pattes poilues partout sur leur peau. Le style du film renvoie par moments à l'intensité de The Raid de Gareth Evans ou Attack the Block [+lire aussi :
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fiche film] de Joe Cornish, mais le film reste tout de même sur le registre plus réaliste du film de survie. Bien que la nouveauté du film soit le commentaire social qui va avec son décor, ce n’est en fait pas sa grande force : c'est en tant que film de monstres bien fait que Vermines fonctionne le mieux.
Vermines a été produit par les sociétés françaises My Box Productions et Tandem Films. Les ventes internationales du film sont assurées par Charades et WTFilms, En France, il sera distribué par Tandem Films.
(Traduit de l'anglais)
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