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SAN SEBASTIAN 2023 Compétition

Critique : El sueño de la sultana

par 

- Isabel Herguera présente un film d'animation féministe singulier et fascinant sur la quête de liberté et le pouvoir transformateur de la fiction

Critique : El sueño de la sultana

"Je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais onze ans. Mon père n’arrivait pas et les ombres de la nuit tombaient sur le parc. À une certaine distance, un homme m'observait avec attention. J’ai senti son regard froid et calculateur, et mon cœur s’est arrêté de battre.… C'est la première fois que j’ai ressenti de la peur parce que j’étais une femme". C'est sur ce récit terrifié narré par la voix de l’héroïne que s'ouvre El sueño de la sultana [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Isabel Herguera
fiche film
]
, qui est le tout premier film d’animation européen à concourir au Festival de San Sebastian. Ce titre, réalisé par Isabel Herguera, écrit avec Gianmarco Serra, s'inspire librement du conte féministe indien de l’écrivaine et activiste musulmane Begum Rokeya Hossain

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Le film raconte l’histoire d'Inès, une jeune réalisatrice de films d’animation espagnole qui va en Inde pour rompre avec son amant indien. Vérifier. Sur place, par hasard, elle entre dans une librairie où on lui recommande le récit de Rokeya Hossain, qui parle d'un pays utopique gouverné par des femmes. Fascinée par ce monde imaginaire et l’attitude vaillante et transgressive de son autrice, Inès décide de faire un film où son histoire personnelle et celle de Begum Rokeya se déploieraient parallèlement. À partir de cette prémisse, comme le début du film le laisse entendre, El sueño de la sultana parle de la condition de la femme dans le monde d'hier et celui d’aujourd’hui, observe comme les choses ont changé mais pas tant que ça, évoque la peur, l'humiliation, le silence, la soumission et les stigmates sociaux liés au simple fait d’être une femme. Le film reflète cette inégalité perpétuelle entre les sexes, si présente dans nos vies et nos sociétés (y compris de forme implicite), mais sa proposition est surtout, à partir de là, d'imaginer la possibilité d’un changement, d’un renversement radical de cette réalité à travers l'imagination. En reprenant le conte indien populaire, Herguera revendique le pouvoir transformateur des rêves, la valeur de l’imagination comme instrument de la pensée critique, la possibilité d’un monde régi par l’intelligence, et non par la force.

Ce propos que formule El sueño de la sultana est intéressant et important, et il a une valeur didactique très belle et estimable, mais ce qui est vraiment éblouissant ici, c'est la forme du film. C’est là qu'il se distingue le plus, par la manière dont Herguera et son équipe racontent cette histoire de domination et de transformation. Avec ingéniosité et un certain humour ironique, à travers des matériels visuels et sonores originaux et fascinants, des couleurs, images, musiques et sons symboliques qui renvoient au sujet du film, ils recréent le monde onirique du récit de Begum Rokeya et construisent tout un imaginaire plein d'idées, d’espaces, de paysages et de personnages nouveaux. Une des clefs de cette fantaisie conçue par Herguera est dans les voix qui racontent l’histoire, de celle de l’héroïne à celle de Mary Beard relatant le premier exemple documenté de domination masculine dans la tradition littéraire occidentale (immortalisé au début de L’odyssée) et à celle de Paul B. Preciado revendiquant la force des rêves dont parle le film.

El sueño de la sultana est un film qui a de la personnalité, énormément de force comme oeuvre audiovisuelle. C'est un film beau et singulier sur la quête de la liberté qui, à travers l'imagination même, revendique le pouvoir transformateur de la fiction et, partant, du cinéma comme représentation des rêves. C'est un film qui devrait laisser sa marque dans l’animation espagnole.

El sueño de la sultana a été produit par les sociétés espagnoles Sultana Films, El Gatoverde Producciones, Abano Producións et Uniko avec l’allemande Fabian&Fred GMBH. Les ventes internationales du film ont été confiées à l’agence hollandaise Square Eyes.

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(Traduit de l'espagnol)


Galerie de photo 24/09/2023 : San Sebastian 2023 - Sultana's Dream

14 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.

© 2023 Dario Caruso for Cineuropa - @studio.photo.dar, Dario Caruso

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