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NAMUR 2023

Critique : Les poings serrés

par 

- Le cinéaste belge Vivian Goffette présente un drame à hauteur d’enfant qui amène des questionnements dans l’air du temps

Critique : Les poings serrés
Laurent Capelluto et Yanis Frisch dans Les poings serrés

Vivian Goffette dévoile en première mondiale au Festival International du Film Francophone de Namur son deuxième long métrage, Les poings serrés [+lire aussi :
interview : Vivian Goffette
fiche film
]
, dans la section FIFF Première. Remarqué en 2013 avec son premier film, Yam Dam, histoire d’amour inattendue entre un vétérinaire embourgeoisé saisi par l’ennui et une jeune Burkinabé en quête d’une vie meilleure, le cinéaste belge revient donc avec un drame à hauteur d’enfant, qui amène des questionnements dans l’air du temps.

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Comment se construit-on quand on est l’enfant du monstre ? Lucien (Yanis Frisch) est un petit garçon solitaire et silencieux. Il vit en retrait du monde et des autres, comme alourdi par sa différence, en vase clos avec sa mère, et son grand frère. La mort de sa grand-mère paternelle va provoquer une onde de choc qui va bouleverser son quotidien. Son enterrement se déroule sous haute tension. Police et médias se bousculent à l’entrée du cimetière. Il faut dire que la défunte n’est autre que la mère de l’ennemi public n°1. Ce tueur d’enfant, c’est le père de Lucien. Ce père (Laurent Capelluto), arraché des albums photos, a été effacé de l’histoire familiale. Mais si l’oubli permet à sa mère (Lucie Debay) et son frère (Paulo Schmit) de surmonter l’épreuve qui s’est abattue sur leur famille, il est loin de convenir à Lucien, qui ne supporte plus ni l’absence ni le secret.

Bouleversé par la haine dont son père fait l’objet, Lucien décide de le revoir, contre l’avis de sa mère, qui a fait le choix de couper radicalement les ponts. Il veut croire au pardon sincère de son père. Il ne peut se résoudre à n’être qu’un alibi pour lui. Ce statut de bon père de famille qu’il réclame pour se laver de ses crimes, Lucien voudrait l’éprouver dans sa chair, se comporter en fils pour avoir un père. Se met alors en place un implacable processus de manipulation.

Peut-on séparer un homme de ses crimes ? Les poings serrés passe par le prisme du conte réaliste pour aborder ce questionnement ultra-contemporain, et y apporter une réponse sans équivoque. Le récit est mené à hauteur d’enfant. C’est à travers les yeux de Lucien que l’on appréhende la question de l’illusoire sincérité du pervers. Seulement armé de son besoin d’amour et de filiation, Lucien tombe sur la coupe de son emprise. C’est l’histoire de l’enfant et de l’ogre qui se rejoue sous nos yeux.

Pour donner vie et chair à ce conte, il fallait trouver les interprètes adéquats. Le jeune Yanis Frisch dont c’est le premier rôle est parfaitement convaincant, transmettant dans la retenue toutes les hésitations et les incompréhensions qui animent son personnage. Laurent Capelluto, qui s’empare du rôle du monstre, marche sur une crête, où il s’agit de rendre crédible la séduction qui s’opère sur le jeune Lucien, tout en ne laissant aucun doute au spectateur sur ses intentions. Pas d’ironie dramatique dans la relation qui se dessine entre les deux. Il est clair d’emblée que Lucien se jette dans la gueule du loup, sa mère d’ailleurs exprime d’emblée ses réticences. Le film n’a pas pour but d’explorer les zones d’ombre ou les failles du tueur, mais bien d’accompagner la trajectoire d’un enfant qui doit faire le deuil de sa filiation. Cette frontalité du discours peut générer certaines frustrations, donnant d’emblée toutes les clés de lecture quant à l’issue du parcours du jeune héros. Mais la performance des comédiens permet néanmoins d’accompagner cette sortie de l’enfance précipitée par les évènements.

Les poings serrés est produit par Dragon Films et Lunanime. Il sera distribué en Belgique par Lumière, et devrait sortir le 14 février prochain.

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