Critique : Saltburn
par David Katz
- Après Promising Young Woman, Emerald Fennell présente un thriller scabreux sur les classes supérieures britanniques, et ceux qui voudraient les infiltrer

Saltburn, l'éclatant nouveau film de la scénariste-réalisatrice britannique montante Emerald Fennell, projeté au Festival BFI de Londres, crépite de "rappelle-toi le temps où" et de "si seulement". Le film est habité par la nostalgie de l’éducation stricte et privilégiée reçue à Oxford dans sa jeunesse, avec le sentiment d'avoir devant soi des possibilités infinies qui l'accompagne pour les heureux élus, et une touche de dédain pour les traditions typiques de l’establishment de cet environnement, dont on peut se demander s'il ne serait pas préférable de l'abolir. Saltburn, dont la mire est dirigée vers les bonnes cibles et qui déploie des arguments pertinents (quoiqu'un peu généraux), a assez de vitalité, d’énergie et de style pour se diriger fermement vers un dénouement tragique et sanglant, mais la prévisibilité du film, parfois sa superficialité, le coulent.
Saltburn, qui commence à l’automne 2006, comme l’annonce une affichette de bienvenue sur la porte d'un college, donne pourtant, au début, l’espoir qu’il va fortement remettre en cause cette époque où le New Labour britannique était en train de s’épuiser et où la Grande Récession, qui a tant perturbé l’industrie deux ans plus tard, se profilait déjà. Ce qui est encore plus décevant est que Fennell use plutôt de ce marqueur temporel pour redonner vie au Oxford qu'elle a connu, le représentant comme un terrain de jeu ambitieux et libidineux avec, pour les plus brillants socialement, un été dans le vaste domaine d'un "pote" de college à la clef.
Oliver Quick (incarné par l'impressionnant Barry Keoghan) est un étudiant en littérature tranquillement ambitieux, qui arbore ses capacités intellectuelles avec une certaine discrétion, beaucoup plus que l'étudiant émérite en maths qui crie la réponse à "275 × 83" pendant les repas, et cache un fond rusé et sociopathe. Felix Catton (Jacob Elordi) est "l'aristo" fringant des rêves sexuellement ambigus d’Oliver. Il fait partie de ces individus qui donnent l'impression de dominer Oxford, puis sont lancés sans mérite vers le succès professionnel qui en découle. Oliver le veut lui, ainsi que ce parcours auquel Felix se destine, un désir nourri par un mélange compliqué de passion amoureuse et de cet élan ambitieux qui est le propre des arrivistes nés.
Comme Oliver fait (assez mal) semblant d’être en deuil à la fin de l’année scolaire, Felix le prend en pitié et l’invite à rester chez ses parents, Lord et Lady Catton (Richard E. Grant et Rosamund Pike) dans leur palais à la campagne. À partir de là, dès le moment où le majordome entrebaille la grande porte d'entrée richement décorée de la demeure, on s'attend à ce qui va suivre. Bien que Keoghan soit charismatique et maître de son personnage, Oliver est à la fois un mystère et une figure exagérée dans le scénario. Au lieu d'être un Ripley (le personnage de Patricia Highsmith est une source d'inspiration évidente pour celui-ci), il couche puis tue les autres protagonistes avec l’efficacité obstinée et systématique d'un Terminator.
Peut-on parler de satire sociale britannique classique quand ce qui nous est présenté est une version intensifiée, boostée au MDMA, de ce milieu élitiste, tandis que les musiques typiques de la nouvelle génération des raveurs de l'époque dominent la bande originale ? Fennell essaie d'impressionner à grands coups d'opulence grandiose et de spectacle, financés grâce au succès et à l'actualité de Promising Young Woman [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], mais si l'orgie d'atrocité est divertissante (et si le personnage de Pike se délecte manifestement des réparties acérées qu'elle balance), la saveur de l'ensemble se perd vite, malgré tout le sel.
Saltburn est une production entre les États-Unis et le Royaume-Uni qui a réuni les efforts de la Metro-Goldwyn-Mayer, de Media Rights Capital et LuckyChap Entertainment. Les ventes internationales du film sont gérées par Amazon Studios.
(Traduit de l'anglais)
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