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DOK LEIPZIG 2023

Critique : Home Sweet Home

par 

- Dans son premier long-métrage, Annika Mayer fait contraster des films familiaux en Super 8 apparemment idylliques avec une terrifiante histoire de violence domestique

Critique : Home Sweet Home

Les films et vidéos amateurs ne mentent pas. Pourquoi donc le feraient-elles ? Elles ont été réalisées sans aucune prétention artistique, simplement pour enregistrer des moments de la vie et de bonheur au sein du cercle familial. Ou peut-être que si, elles mentent... Parce que qu’on ait des prétentions artistiques ou pas, le réalisateur ou chef opérateur amateur sélectionne au minimum ce qui va figurer dans la vidéo ou pas. Donc même si tout ce qui y apparaît est bel et bien la vérité, ce n’est certainement pas toute la vérité.

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La monteuse allemande Annika Mayer a choisi, pour composer son premier long-métrage comme réalisatrice, d’utiliser des films amateurs en Super 8. Home Sweet Home, qui vient de faire sa première dans le cadre de la compétition nationale de DOK Leipzig, nous donne à connaître les coulisses des images idylliques de la vie heureuse d’une famille ouest-allemande des années 1950 aux années 1970.

La famille qu’on voit dans ces films en Super 8, d'abord en noir et blanc, puis en couleur, n’est pas n’importe quelle famille : les parents, Rolf et Rosa, sont les grands-parents de la réalisatrice. Leur fils aîné, Ernst, est son père ; le benjamin, Frank, son oncle. Le bonheur et la vie idyllique dont on les voit jouir dans ces archives pendant leurs périodes de loisirs, leurs vacances à la mer ou à la montagne ou leurs aventures en bateau à voile ont beau avoir l'air authentiques et en accord avec l’air du temps à l’époque en Allemagne de l’Ouest (qui vivait alors un boom économique, après les ravages de la guerre), il y a quelque chose qui cloche, à en croire un des visages filmés, dont le sourire fait plus l'effet d'un rictus forcé. Ce visage est celui de papy Rolf.

C'est mamie Rosa qui nous raconte l’histoire de ce qui se passe en dehors de l'image, histoire qui ne saurait être plus loin de l’harmonie que montrent ces films amateurs familiaux. L'histoire qu’elle raconte est terrifiante, car elle suppose des abus domestiques impensables, dans une société qui n’a absolument pas conscience de l'existence de ce genre de choses. D’abord, Rolf avait 13 ans de plus que Rosa. Comme sa famille était influente, Rosa a été quasiment forcée par ses parents de quitter l’école, pour ne pas manquer cette formidable opportunité de faire un bon mariage. Deuxièmement, c’était un ancien combattant qui a servi dans la Wehrmacht comme artilleur de Paris à la Crimée, ce qui laisse supposer qu'il a souffert ensuite d'un trouble de stress post-traumatique. Enfin, il ne craignait pas d'exprimer son irascibilité, même à l'encontre de ses propres parents. La violence domestique a rarement une seule cause, de sorte qu'entre le cadre patriarcal, l'esprit probablement traumatisé de Rolf et les différents problèmes de personnalité en jeu, on ne peut qu'imaginer le dégât. Les réactions de Rolf étaient imprévisibles. Ceci, combiné à l'abus d’alcool, sa propension à tromper sa femme et des problèmes de vie sentimentale non résolus, a fait que les choses ont graduellement empiré, passant de raclées régulières à des comportements mettant plus nettement la vie des autres en danger.

Mayer, partie d'une quantité limitée de matériels d'époque (ce qui est évident dans la répétition de certains plans tout au long du film, spécialement vers la fin), a intégré dans son film des interviews réalisées par elle et son coproducteur et collaborateur régulier Jakob Krese, ce qui donne en fait à Rosa plus d’espace pour raconter son histoire. Le contraste entre ce qu’on entend et ce qu’on voit est fort, mais aussi très logique, dans ce contexte d’ensemble. Le montage (assuré par Mayer elle-même) est méthodique et bien rythmé, ce qui limite cette expérience bien dense pour le spectateur à une durée totale bien adaptée, soit 67 minutes. L'autre héros du film est le compositeur et ingé son Gaston Ibarroule. Le design sonore qu'il a conçu pour ce documentaire lui donne toute une autre dimension, de manière très palpable, et les musiques atonales et distordues qu'il a créées servent de commentaires aux images. Tout bien considéré, ce film nommé "foyer, doux foyer" n'a rien de doux : c'est un rappel radical à la réalité.

Home Sweet Home a été produit par la société allemande Majmun Films. Il est distribué par Raina Film.

(Traduit de l'anglais)

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