Critique : Forever Hold Your Peace
par David Katz
- Cette comédie sombre du réalisateur monténégrin Ivan Marinović évoque un mariage particulièrement malheureux

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fiche film], tendent à servir des fins d'ironie dramatique en tant qu'elles font pendant aux scènes de malheur qui viennent ensuite. Forever Hold Your Peace [+lire aussi :
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fiche film], le deuxième long-métrage d’Ivan Marinović, qui vient de faire sa première en compétition au Festival Black Nights de Tallinn, use de cette dimension augurale des mariages au cinéma sauf qu'ici, il fait des noces qu'il relate son événement principal, son lieu exploré quasiment en temps réel, avec une coda inattendue qui achève de contrer les attentes.
Forever Hold Your Peace fait l'effet d'un cauchemar en plein jour, laissant la douleur des émotions et la confusion s'échouer sous le plus magnifique des temps de bord de mer, la photographie de Dominik Istenič regorgeant de teintes saphir chatoyantes et des nuances de gris des rochers. Au premier plan, cependant, on a un duo très boudeur formé par Dragana (Tihana Lazović) et Momo (Goran Slavić). La première, kinésithérapeute, n'a vraiment plus du tout envie de se marier, et rêve de s’embarquer sur un avion à destination de Londres pour poursuivre ses études et recommencer sa vie. Son fiancé passe ses journées à ne pas faire grand chose sur le chantier où il est employé, de sorte que la joie déclinante de sa promise le prend de court.
Après avoir proposé une satire de la religion dans son film précédent, The Black Pin [+lire aussi :
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fiche film], cette fois, Marinović se moque de la conception rigide des rapports entre les sexes existant au Monténégro et des attentes inchangées de cette société en présentant les noces de Dragana et Momo comme une vaste supercherie. Leurs parents respectifs et les mariages apparemment robustes de ces derniers font planer sur eux leur ombre intimidante comme des exemples à suivre. auxquelles il faudrait ressembler. Le père de Momo, Leso (Momčilo Pićurić), a une influence particulière. Pour un type du genre "fort et taiseux", c'est lui qui a la présence la plus charismatique à l’écran de toute la troupe des acteurs, et son visage est un masque fripé d’indifférence et de réprobation.
Le point culminant du premier acte est le moment où Dragana insiste pour annuler tout le mariage, et où Leso accepte l'"accord" suivant : il sera annulé après avoir été célébré tout de même, pour éviter l'embarras qu'une absence totale de cérémonie causerait vi-à-vis des invités et des locaux. La partie médiane hérisse le spectateur : on y voit Momo tout excité d'aborder cette journée dont il pense qu'elle va être la première du reste d'une vie heureuse, car il ignore encore tout du vilain choc qui l'attend, celui du statut "en blanc" de la célébration. La mise en scène de Marinović transcende la légèreté de "dernier épisode d'un sitcom" que les interprétations enlevées et le sens de la répartie des dialogues suggèrent, tout en esquivant également une austérité tchékhovienne où le rire serait trop vite éclipsé par des larmes amères.
La seule sous-intrigue, assez peu développée, implique le frère de Leso, Lavandulo (Nikola Ristanovski), qui ne voit plus sa famille depuis longtemps. Ce dernier, qui a vécu dans de nombreux pays, été marié trois fois, représente une vaste expérience du monde qui tranche avec toutes les traditions et les personnages locaux qu’on voit ici, tout en faisant ressortir le fait que ces derniers conservent en revanche leur intégrité et leur attitude sans prétention, ce qui est attachant. Forever Hold Your Peace évoque méticuleusement l'ambiance du dîner post-cérémonie et festivités qui tourne mal et devient acrimonieux, laissant petit à petit à chaque invité le sentiment qu'il est de trop et n'est pas vraiment le bienvenu, mais la matière du film et la progression de l'intrigue sont hélas trop minces. L'ensemble repose beaucoup trop sur l’atmosphère animée des Balkans et n'arrive pas à rendre avec précision la douleur de chaque personnage.
Forever Hold Your Peace est une coproduction entre le Monténégro, la Serbie, la République tchèque, la Croatie, la Macédoine du Nord et la Slovénie qui a réuni les efforts des sociétés Adriatic Western, Sense Production, Analog Vision, Kinorama, Krug Film et SPOK Films.
(Traduit de l'anglais)
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