email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SUNDANCE 2024 Midnight

Critique : Kidnapping Inc.

par 

- Bruno Mourral se lance dans le long-métrage avec un thriller comique hyperkinétique qui tisse autour de deux antihéros malchanceux un récit qui aborde aussi des sujets politiques et sociaux

Critique : Kidnapping Inc.
Rolaphton Mercure et Jasmuel Andri dans Kidnapping Inc.

Le premier long-métrage du réalisateur haïtien Bruno Mourral, Kidnapping Inc., qui vient de faire sa première mondiale à Sundance dans la section Midnight, est un thriller comique extrêmement énergique situé dans la capitale mondiale du kidnapping, Port-au-Prince.

Quand le fils du sénateur et candidat aux présidentielles Benjamin Perralt (Ashley Laraque) se fait enlever, deux copains gangsters maladroits, Doc (Jasmuel Andri) et Zoe (Rolaphton Mercure), se voient confier la tâche de le livrer à un boss initialement mystérieux, sauf qu'à peine quelques minutes après le début du film, ils tuent le captif par accident. Terrifiés et perdus, ils imaginent des manières de plus en plus incongrues et désopilantes d’échapper à la colère de leur boss, jusqu’à ce qu’ils croisent par hasard un homme qui ressemble trait pour trait à leur victime : Patrick (Patrick Joseph). Ce dernier et sa femme enceinte Laura (Gessica Geneus) sont en chemin vers l’aéroport, car elle veut accoucher aux États-Unis pour que l'enfant ait la citoyenneté américaine.

Entretemps, du côté de la vaste famille de la victime et de la police, des développements tarabiscotés se présentent : la belle-fille du sénateur, Audrey (Anabel Lopez), obtient de son amant qu'il négocie le prix de la libération de son mari, tandis que le commissaire de police (Fritz Jacques Bama) s'avère encore plus corrompu qu’on ne le pensait. Tout le monde dupe tout le monde dans ce film, que ce soit en amour, en affaires ou en politique, et personne n’est réellement bon à rien, à commencer par nos héros.

En toile de fond se déroule la campagne électorale, qui tourne aux émeutes après que la nouvelle de l’enlèvement ait filtré, car l’angle racial est très présent : Perralt est mulâtre, et le générique de début nous informe que cette part de la population est considérée comme l'élite à Haïti. Quant à Doc et Zoe, ce qui les intéresse, c'est surtout le prochain match Real Madrid-Barcelone (sachant qu'ils ne soutiennent pas la même équipe), à tel point qu’ils semblent en oublier leur véritable objectif.

En termes de structure, le film est une succession de vignettes ultra dynamiques qui alternent avec des segments dialogués très vivaces, souvent presque aussi divertissants que les poursuites en voiture, les échanges de tirs et les moments de comédie grotesque occasionnels, dont certains surviennent beaucoup trop vite pour qu’on ait le temps de le saisir. Parmi la multitude des blagues et des gags qui s'enchaînent, certains sont parfaitement placés et exécutés, et certains tombent à plat – du moins pour un spectateur étranger peut-être que ce ne sera pas le cas pour le public local. Pour ce qui est des acteurs, Mercure excelle dans la veine comique et Andri teinte de quelque chose de plus contemplatif, voire de mélancolique, l'élément "film de potes" de Kidnapping Inc.

Dans le matériel promotionnel, le film est qualifié de "croisement entre La Cité de Dieu et Pulp Fiction. Il y a certainement quelque chose de vrai là-dedans, même au-delà du rythme extrêmement soutenu de l'action, de la caméra dynamique et agile et des couleurs vives (les ghettos de Port-au-Prince sont, visuellement et au niveau de leur atmosphère, présentés comme semblables aux favelas de Rio de Janeiro, et scène d’ouverture est une citation directe du classique moderne de Tarantino), mais l’intrigue tortueuse et les personnages eux-mêmes sont plus proches d’une histoire façon frères Coen, sur des antihéros malchanceux mais au bon cœur.

Le dossier de presse nous informe que pendant la production du film, trois membres de l’équipe ont véritablement été kidnappés, un blessé et un tué dans une rixe entre gangs, ce qui confère au film une dimension troublante, ainsi qu'une certaine gravité politique. La conclusion, avec son revers final, est un peu hâtive mais assez intelligible, et suivie par une coda émouvante bien adaptée, même si on a l’impression que le reste ne l’a pas complètement méritée.

Kidnapping Inc. a été coproduit par les sociétés françaises Promenades Films et BHM Films avec Muska Films (Haïti) et Peripheria (Canada).

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy