26/01/2024 - Nahid Persson Sarvestani rend hommage à Rouhollah Zam, activiste et journaliste iranien exilé au destin tragique. Un film émouvant décryptant la traque des opposants par le régime

"Ils ne nous laisseront jamais parler librement et ils feront tout pour nous arrêter". Pour échapper au contrôle total des médias à l’intérieur de l’Iran et pouvoir relayer les informations les plus choquantes, des opposants se sont exilés et ont lancé des sites d’information et des chaînes Telegram. Tel a été le cas du tristement célèbre Rouhollah Zam avec AmadNews auquel la cinéaste suédo-iranienne Nahid Persson Sarvestani (très remarquée notamment avec Prostitution Behind The Veil et La Reine et moi) a consacré son nouveau documentaire, Fils de mollah, dévoilé à l’IDFA et projeté cette semaine en compétition internationale au FIPADOC de Biarritz. Un film d’une proximité cruellement exceptionnelle avec son sujet puisque la réalisatrice était encore en train de tourner quand son protagoniste fut enlevé, ramené en Iran, jugé, condamné à mort et exécuté le 12 décembre 2020.

"J’avais une belle vie avant de quitter l’Iran". Contacté par Nahid Persson Sarvestani, Rouhollah l’accueille dans le petit appartement caché de proche banlieue parisienne où il est protégé avec sa famille (sa femme Mahsa, ses deux filles) par la police française depuis sa fuite d’Iran en 2011, consécutive à une arrestation et à quelques âpres mois de prison à Evin. Personnalité joviale, l’homme est issu du sérail des hautes sphères du régime fréquentées par son père mollah. "Jusqu’au point où je me suis rendu compte que tous ces gens qui parlaient de religion, de Dieu et de prophètes, avaient été contaminés par la politique". À travers AmadNews, fondé en 2015, le voilà donc attaquant frontalement le régime, publiant entre autres le récit des turpitudes des enfants d’Ali Khameini (le guide suprême de la République islamique), attisant à distance la "révolte verte" de 2017, révélant des scandales de détournement de fonds et de blanchiment d’argent, exposant au grand jour les actes de violence du pouvoir. Un sacerdoce très dangereux car les sbires du régime le menacent et le cherchent afin de le réduire définitivement au silence et parce que le réseau très dense de ses sources est peut être infiltré par des manipulateurs. La paranoïa de la trahison est donc une donnée quotidienne d’une vie de famille dans l’isolement le plus complet. Mais Rouhollah a aussi de solides amis comme Ali Javanmardi (qui a aussi une chaîne web basée au Kurdistan irakien) à qui Nahid Persson Sarvestani va aller rendre visite avec sa caméra. Cependant, à partir de ce moment là, tout se détraque : la réalisatrice reçoit des menaces à son domicile suédois et Rouhollah, piégé, est épinglé en mars 2019 par un documentaire du régime, le présentant sous un visage très peu flatteur pour le reste de l’opposition. Et tout va aller de mal en pis…

"Mme Nahid, ne vous inquiétez pas, quand ils auront tué Rouhollah dans trois ou quatre mois, votre film deviendra célèbre - Rouhollah a juste ri. J’ai dit : comment pouvez-vous dire ça de votre ami ? Il a répondu : combattre a un prix." Ce dialogue prémonitoire venu très tôt dans le film illustre parfaitement une atmosphère de bord de précipice et la bravoure d’un homme qu’on a tenté de salir et que le documentaire réhabilite complètement, à la fois très précis sur le déroulé des manipulations et d’une grande humanité tissée dans la solidarité que partagent tous les résistants du monde.

Produit par Real Reel Doc, Fils de mollah a été coproduit par Arte GEIE et par la SVT. Les ventes internationales sont assurées par le Swedish Film Institute.