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IFFR 2024 Compétition Tiger

Critique : Swimming Home

par 

- De la danse moderne, des scènes de nudité inattendues et un tableau des affres de la vie de privilégié : voilà ce que nous montre cette adaptation par Justin Anderson du roman de Deborah Levy

Critique : Swimming Home
Christopher Abbott et Mackenzie Davis dans Swimming Home

Une correspondante de guerre, son mari bosnien poète, en panne d’inspiration, et une botaniste aimant se baigner nue entrent dans une villa grecque de carte postale. Ceci n’est pas le début d’une blague. Il s'agit des personnages que le réalisateur de films de mode Justin Anderson espère faire s'entrechoquer dans son premier long-métrage, Swimming Home. Le roman-source de l'éminente écrivaine britannique Deborah Levy happe le lecteur en explorant cette situation dans une prose glaciale et expérimentale, renonçant à tout angle absurde. Anderson traite le même matériel avec une indéniable confiance en lui qui frise l'arrogance, mais hélas le résultat est peu convaincant et tombe à côté en termes de ton. Cette coproduction internationale qui réunit une brochette de comédiens de premier plan a fait sa première dans le cadre de la compétition Tiger de Rotterdam.

Swimming Home, qui se passe en Grèce mais pourrait se dérouler dans la même rue que celle où se trouvait la villa italienne dépravée de A Bigger Splash [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Luca Guadagnino
fiche film
]
, est un film dramatique sur les brèches et fissures psychologiques qui finit par abandonner toute subtilité et opte pour un érotisme estival qui fait forcé. La belle façade que présente le couple au centre de l'intrigue – Joe (Christopher Abbott), poète exilé en deuil d'une gloire littéraire éphémère, et Isabel (Mackenzie Davis), reporter de guerre très réputée – promet de s'écailler avant même qu'ils ne trouvent Kitti (Ariane Labed, qui fait ici largement appel à sa formation de danseuse) flottant nue dans leur piscine, immobile comme un cadavre. Elle est tout sauf morte : elle est plutôt en train de se ressaisir physiquement avant de guider ses nouveaux hôtes vers une épiphanie étonnante. Kitti est une amie du chauffeur et hôte du couple, qui avait apparemment oublié qu'ils arrivaient si tôt. Intrigués par cette jeune femme bohème et excentrique comme eux, ou peut-être par indifférence pour les conséquences possibles de ce choix, ils l'autorisent à rester.

L'ensemble se situe dans un univers filmique très éloigné de la réalité, entre les réparties acerbes et peu naturelles et certaines séquences qui surviennent vers la fin du film : une boîte de nuit fétichiste et un lagon pour nudistes qui font l’effet de paysages de l’inconscient. La clef du développement de l'intrigue, c'est les cicatrices mentales durables que Joe a héritées de son évacuation de Bosnie, arrangée par ses parents pendant la guerre. Anderson explique cet événement complexe sans le garnir d'aucun détail qui rendrait la chose plus concrète ou tangible (il est vrai que dans le roman, Joe est polonais et beaucoup plus âgé, c'est-à-dire qu'il correspond à l'archétype de l'écrivain dissident issu de l’ancien bloc soviétique). Si l'interprétation d'Abbott suggère une dépression plus qu'elle ne rend compte des hallucinations violentes qui taraudent son personnage (et ne sont pas non plus en cohérence avec le mélange de confiance et de désintérêt que manifeste Isabel à son égard), l'insistance avec laquelle Kitti flirte avec lui et son respect pour sa poésie permettent à cette dernière de devenir un écran ambigu sur lequel il évacue tout son traumatisme.

Dans le livre, ces événements sont entièrement médiatisés à travers Nina (jouée par Freya Hannan-Mills dans le film), la fille du couple, qui les accompagne et se délecte de cette fragmentation tout en pointant vers l’inaccessibilité de la conscience et de la subjectivité des autres. L’approche d'Anderson, bien que riche en beauté hébétée, est beaucoup plus littérale, et on comprend mal s'il a pitié de ces bobos ou s'il les voit comme une matière dont on fait les satires méprisantes.

Swimming Home a réuni le Royaume-Uni, la Grèce, les Pays-Bas et le Brésil à travers Anti Worlds, Quiddity Films, Reagent Media, Heretic, Head Gear Films et Lemming Film. Les ventes internationales du film sont gérées par Bankside Films.

(Traduit de l'anglais)

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