Critique : Bite
par Mariana Hristova
- Le premier long-métrage de Guido Coppis, dominé par de riches teintes sépia, nous plonge dans un récit déroutant proche du drame psychologique et du thriller

Le cinéma hollandais n’a pas vraiment une image d’ensemble à laquelle on le rattache, mais ce qu’on a pu voir dernièrement sont des travaux soit explicitement conceptuels, comme Met mes [+lire aussi :
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fiche film], par exemple. Le premier long-métrage de Guido Coppis, Bite, se situe quelque part entre ces deux tendances. D’un côté, il expérimente en plaçant ses personnages dans un cadre dystopique très éloigné du réel, de l'autre, il développe un récit linéaire, structuré de manière plutôt traditionnelle, qui promet d'abord d'entrer dans une analyse psychologique avant de bifurquer soudainement vers le thriller criminel angoissant jouant la carte de la folie. Le film vient de faire sa première mondiale au Festival international du film de Rotterdam aux côtés des 19 autres films sélectionnés dans la section Bright Future. C'était un des deux titres hollandais au programme de cette section.
Mark (Reinout Scholten van Aschat) dans un refuge pour animaux et se comporte lui-même souvent comme un chien errant (lançant des regards terrifiés de tous côtés, constamment sur la défensive, ostensiblement prêt à mordre quiconque s'approchera). Il vit dans un appartement exigu, sombre et sale où les rideaux sont constamment tirés. Le peu de vie sociale qu'il ait consiste en quelques interactions brèves et agressives avec un ami toxicomane et ses visites à son grand-père dans sa maison de retraite. C’est là que Mark rencontre Lisa (Frieda Barnhard), qui semble déterminée à le prendre sous son aile et à le dompter, malgré son comportement brusque et sa peur évidente d’être proche de tout autre être humain. Son visage s'éclaire en effet un peu sous cette protection maternelle, mais juste au moment où l'on se dit qu'on est probablement devant un film de plus sur la puissance de l’amour au-delà des conventions, l’intrigue opère un virage et rien n'est ce qu’il semblait être au premier abord. Ce rebondissement pimente bel et bien la fable, mais néglige l’opportunité de s'enfouir vraiment dans l'univers des personnages.
Bite se passe dans un temps, un espace et un contexte culturel arbitraires – d'autant que les quartiers sordides où rôde Mark n'ont que très peu à voir avec la Hollande-maison de poupée des cartes postales (sauf vers la fin, chez Lisa et sa famille). On n’en apprend même pas assez sur les personnages pour pouvoir au moins imaginer pourquoi ils se comportent comme ils le font. Si le film s'était davantage investi dans les vies intérieures de ses personnages, ç’eût été une astuce ingénieuse pour lui donner un côté plus universel et ainsi qu'on puisse s'y rapporter, mais dès que l'intrigue prend le pas sur le psychologique, ses raisons profondes tombent dans l'absence totale de logique tout en nous rappelant (mais sans s'en rapprocher du tout) l’absurde macabre des films d’Alex van Warmerdam (s'il faut fournir une autre référence hollandaise). Quoi qu’il en soit, l’esthétique explosive du film, combinée au bel effort que fait ce nouveau venu autodidacte de 25 ans qu'est Coppi pour créer son univers à lui, parvient à happer l'attention du spectateur au moins sur toute la première moitié du film, qui constitue, de fait, un moment de cinéma pas forcément très profond, mais résolument intrigant.
Bite a été produit par la société hollandaise The Rogues. Le film est distribué par Gusto Entertainment.
(Traduit de l'anglais)
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